QUINZIEME ARRONDISSEMENT
Auberge du soleil d’or (226 Rue de Vaugirard, 15e)
Bâtie au début du XVIIIe siècle, cette auberge abrita, en
1791, des conspirateurs royalistes décidés à exterminer les membres du Club des
Jacobins. Mais le « complot du Soleil d’or » échoua. En 1796, les
conjurés de la « Conspiration du camp, de Grenelle » avaient
également choisi ce lieu pour se réunir. Leur but : renverser le
Directoire en soulevant les régiments campés dans la plaine de Grenelle. Les
conspirateurs, discrets, utilisaient une petite ruelle attenante et
entreposaient des armes à l’auberge. Le 23 fructidor an IV (9 décembre 1796),
800 hommes se rassemblèrent, essayèrent de franchir les premiers postes vers
Paris, sans succès : l’auberge fut cernée et, après un procès, 10 meneurs
fusillés dans la plaine le 20 septembre.
Chateaubriand (Quai Branly, face à la Rue de la Fédération, 15e)
En 1791, Armand de Chateaubriand, cousin de l’écrivain,
ardent royaliste, avait émigré à Jersey. En 1808, en plein épanouissement du
Premier Empire, il décide de revenir en France en conspirateur, afin d’activer
le retour des Bourbon. Il reçoit le conseil de repartir et s’embarque à
nouveau, avec du courrier compromettant, sur un bateau rejeté sur la côte.
Reconnu et arrêté, il est condamné à mort par une Commission militaire le 25
février 1809, et fusillé le 31 mars suivant dans la plaine de Grenelle avec ses
deux complices. Le lieu du supplice, contre le mur des Fermiers Généraux, n’est
pas connu avec exactitude mais se situe vraisemblablement près de la barrière
de Grenelle. Chateaubriand, qui avait essayé en vain de sauver son cousin,
décrit la scène dans les « Mémoires d’Outre-Tombe » : « Le
jour de l’exécution, je voulus accompagner mon camarade (d’enfance) sur son
dernier champ de bataille ; je ne trouvai point de voiture, je courus à
pied à la plaine de Grenelle. J’arrivai, tout en sueur, une seconde trop
tard : Armand était fusillé contre le mur d’enceinte de Partis. Sa tête
était brisée… Je suivis la charrette qui conduisit le corps d’Armand et de ses
deux compagnons au cimetière de Vaugirard. »
Cimetière
Vaugirard (16 Boulevard Pasteur, 15e)
« Le
cimetière Vaugirard était ce qu’on pourrait appeler un cimetière fané. Il
tombait en désuétude. La moisissure l’envahissait, les fleurs le quittaient.
Les bourgeois se souciaient peu d’être enterrés à Vaugirard, cela sentait le pauvre…
C’était un enclos vénérable, planté en ancien jardin français. Des allées
droites, des buis, des thuyas, des houx, de vieilles tombes sous de vieux ifs,
l’herbe très haute. Le soir y était tragique. Il y avait là des lignes très
lugubres… Ce cimetière avait ses originalités en dehors de la règle, gênait la
symétrie administrative. On l’a supprimé peu après 1830 ». Dans « Les
Misérables », Victor Hugo y décrit l’enterrement de Jean Valjean, caché
dans le cercueil de la mère Crucifixion pour sortir du couvent.
Fête de la Raison (Place Henri Rollet, 15e)
En 1791, l’église Saint-Lambert fermée au culte catholique
devient Temple de la Raison, ses objets précieux, vitraux, boiseries, reliques,
statues, sont confisqués ou détruits. Plusieurs grandioses cérémonies y sont
organisées : tout d’abord une Fête de la Raison, le 20 novembre 1798 (30
brumaire an III), en l’honneur des Martyrs de la Liberté. Devant une nombreuse
assemblée, au son d’hymnes à la Liberté, une citoyenne représentant la déesse
Raison accompagnée de deux vestales sort de l’église portée en triomphe ;
également entourée de ses vestales vêtues de blanc, la Liberté trône sur une
char, précédée d’un greffier de paix, un Hercule en costume… Un cortège composé
d’un détachement de gendarmerie, de la Municipalité et d’autres municipalités
voisines, de musiciens et de notables défile dans les rues, avec les bustes de
J.-J. Rousseau, Marat, Brutus et Le Peletier de Saint-Fargeau. Le 9 janvier
1794, une nouvelle fête est célébrée en grande pompe au pied de l’arbre de la
Liberté : l’église change de nom, dédiée à l’Etre suprême. Abandonnée,
transformée en magasin de fourrages, elle retrouve sa destination initiale en
1828.
L’abbé Groult (137 Rue de l’Abbé Groult)
En 1820, l’abbé Groult d’Arcy acheta à Vaugirard la maison
de campagne du petit séminaire Saint-Sulpice, afin d’y installer ses
élèves ; lui-même habitait une maison située sur la propriété. Devenu
conseiller municipal de Vaugirard en 1827, connu pour sa générosité et sa
bienveillance à l’égard des habitants du village, l’abbé devint aussi président
du Conseil de fabrique de la paroisse. Lorsqu’il mourut à Vichy en 1843, son
corps fut ramené à Vaugirard pour être enterré dans le cimetière de la rue
Lecourbe. Par testament, il avait légué une forte somme d’argent ainsi qu’une
partie de sa propriété pour l’édification d’une église. Cinq ans plus tard,
après de grandes difficultés, la paroisse Saint-Lambert eut un nouveau
sanctuaire.
La poudrerie (16 Place Dupleix, 15e)
Par un arrêté du 10 pluviôse an II (29 janvier 1794), le
Comité de Salut public transformait le ci-devant château de Grenelle, ainsi que
la ferme et les bâtiments avoisinants, en « deux établissements
provisoires de fabrication révolutionnaire de poudre ». Par mesure de sécurité,
les bâtiments alentour furent vidés de leurs occupants, ou démolis. Mais, peu
de temps après la chute de Robespierre, une catastrophe mit Paris en grand
émoi : le 14 fructidor (31 août 1794), à 7 heures et quart du matin, la
poudrerie explosa. Trois fortes détonations se firent entendre et l’immense
colonne de fumée pouvait se voir de toute la ville. Il y eut de nombreuses
victimes, morts et blessés ; les dégâts furent considérables. L’origine du
désastre est restée inconnue.
La Ruche (1 Passage de Dantzig, 15e)
Fin 1900, les pavillons de l’Exposition universelle étaient
à vendre. Un sculpteur en vogue, Alfred Boucher, qui avait acheté peu cher un
terrain de 5000 m2
proche des fortifications, se porta acquéreur de la rotonde des vins,
construite par Eiffel, et de nombreux autres pavillons légers. Il réédifia ici
un ensemble inauguré au printemps 1902, sorte de phalanstère artistique de
quelque 140 ateliers. Alfred Boucher devint mécène en logeant, pour un loyer
ridicule, de jeunes artistes : peintres, sculpteurs, écrivains, tels
Léger, Chagall, Zadkine, Soutine, Archipenko…Boucher les appelait ses abeilles,
et le pavillon fut nommé La Ruche. Lui-même s’était fait construite une petite
maison, où il vécut jusqu’à sa mort en 1934.
Le choléra (397 bis rue de Vaugirard, 15e)
En 1832, le choléra exerça ses ravages à Vaugirard et à
Grenelle. Il y eut plus de 300 victimes. Les habitants surexcités pensaient
l’épidémie due à la malveillance, et croyaient les fontaines empoisonnées. Le 5
avril, des femmes employées à l’abattoir accusèrent des hommes attablés dans un
cabaret d’être porteurs de substances vénéneuses pour répandre la maladie. Ils
furent lynchés. Un écrivain ambulant subit le même sort. Un orphelinat fut créé
à Paris pour recueillir les nombreux enfants dont les parents étaient morts
durant l’épidémie. Transféré à Grenelle en 1854, il fut appelé Saint-Charles.
Un « costume préservatif contre le choléra » tel que celui-ci avait
été imaginé et des avis étaient placardés donnant des conseils (propreté,
sobriété) pour éviter la contamination.
Les Abattoirs (face au 53 Rue des Morillons, 15e)
Les abattoirs de Vaugirard furent construits de 1894 à 1897,
selon les plans de E. Moreau, sur un vaste terrain de 10 hectares occupés
jusqu’alors par des vignobles et des cultures maraîchères. Ils remplaçaient les
abattoirs dispersés de la rive gauche et comprenaient trois sections : une
abattoir de boucherie, une autre de charcuterie et un abattoir hippophagique,
modèle du genre ouvert en 1907. Construits sur d’anciennes carrières
souterraines de pierre à bâtir, ils nécessitèrent de grands travaux de
remblaiement et de nivellement du terrain. Visités en 1897 par le président de
la République Félix Faure, ils ne furent inaugurés qu’en 1898. Deux ruminants en
bronze, œuvre de Cain, en dominaient l’entrée.
Les Chiffonniers (208 Rue Saint-Charles, 15e)
La Cité des Mousquetaires abritait le monde à part,
hiérarchisé et très réglementé, des chiffonniers : le piqueur remuait les
ordures avec son crochet, le placier possédait le droit de vider les boîtes à
ordures sur une « place », le maître-chiffonnier s’occupait de la
revente et détenait un réel pouvoir par le système d’avances consenties aux
« biffins ». En 1884, le préfet Poubelle tenta de contrôler et de limiter
leur nombre, par l’usage obligatoire de boîtes à ordures vidées par
l’administration ; mais ils conservèrent le droit de vider ces
« poubelles » sur des toiles avant le passage des voitures et de
procéder à un tri selon 8 catégories qui alimentaient de nombreuses industries.
Plusieurs tentatives de coopératives destinées à lutter contre le pouvoir des
maîtres-chiffonniers échouèrent : en 1890, une éphémère « Société des
Mousquetaires » et, en 1900, « L’Avenir du 15ème
arrondissement ». Des syndicats furent également créés, tel le
« Tombeau des lapins », parfois inscrits à la Bourse du Travail. Mais
celui de Montmartre, concurrent, était puissant et mieux organisé.
L’urbanisation et la progression de l’hygiène eurent raison de cette profession
aux conditions de vie misérables.
Les fortifications (angle Avenue de la Porte de Sèvres et Bd. du
Général Martial Valin, 15e)
En juillet 1840, par peur d’une guerre avec une coalition de
pays d’Europe, Thiers, Président du Conseil, décide la construction d’une
enceinte fortifiée autour de Paris. Cette gigantesque couronne elliptique de 34 km de long et 140 m de large comprenait
deux lignes de défense : la première, intérieure, constituée de 94
bastions (27 sur la rive gauche) et la seconde, extérieure, formée de 16 forts
détachés. Ces « Fortifs », construites entre 1840 et 1846 avec des
quantités de pierres et de sable provenant des carrières de Vaugirard,
devinrent la nouvelle limite de l’octroi. Lors du siège de 1870, les puissants
projectiles prussiens avaient une portée suffisante pour atteindre Paris.
L’arasement des Fortifs commença en 1919.
Les moulins (305 Rue de Lecourbe, 15e)
En 1810, 14 moulins à vent étaient établis dans les immenses
plaines de Grenelle proches de Vaugirard : moulin de la Pointe, rue
Falguière ; moulin de Vaugirard, rue de Dantzig ; moulin de Garnier,
rue Lecourbe ; ou encore : moulin de la Citadelle, moulin de Beurre,
Moulin Vieux et Moulin Neuf, moulin de Javel, moulin des Fourneaux. Outre leur
fonction habituelle, ils formaient des buts de promenade au milieu des champs
et certains avaient mêmes été transformés en guinguettes. L’un d’eux, qui
tournait devant la porte du Temple, avait été acheté en 1672, démonté,
transporté et reconstruit à Vaugirard, vers le cimetière de la rue Lecourbe. En
raison de leur faible activité, ils ont néanmoins tous disparu en 1860.
Mademoiselle
(Place Etienne Pernet, angle Rue des
Entrepreneurs, 15e)
Le 2
septembre 1827, après avoir assisté aux courses du Champ-de-Mars, Mademoiselle,
fille du duc de Berry, participa avec sa tante la duchesse d’Angoulême, fille
de Louis XVI, à la pose de la première pierre de l’église Saint-Jean-Baptiste
de Grenelle. Accompagnées de madame la duchesse de Gontaut, elles furent
accueillies à leur descente de voiture par le Préfet de la Seine, le Préfet de
Police et par monsieur Fondary, maire de Vaugirard. Monsieur Violet, premier
fondateur du village de Beaugrenelle et monsieur Bontat, l’architecte, étaient
également présents. Des fleurs, présentées par la fille de monsieur le Maire à
madame la Dauphine, furent acceptées « avec bonté ». Monseigneur
l’Archevêque de Paris, le curé de Vaugirard et un clergé nombreux ont béni la
pierre, scellée ensuite par madame la Dauphine. Mademoiselle voulut aussi
prendre part à la cérémonie et se fit remettre la truelle des mains de sa
tante. Le beau temps régnait ce jour-là et un grand nombre de spectateurs salua
les participants par des acclamations. Le chemin, nommé par la suite
Mademoiselle, avait été préalablement élargi pour laisser passer le cortège.
Une médaille commémorative fut frappée à
l’occasion de cette cérémonie.
Manufacture du Comte d’Artois (Rue Cauchy, angle Quai André Citroën 15e)
En 1777, sur les bords de la Seine, fut installée une usine
de produits chimiques, premier établissement véritablement industriel : la
manufacture du comte d’Artois, plus jeune frère de Louis XVI, propriétaire du
terrain. Dans ses ateliers, deux chimistes inventifs fabriquèrent, pour la
première fois en quantité, le blanc de plomb, la soude épurée et l’alun. Ils
furent aussi les premiers à obtenir de l’hypochlorite de potasse, mondialement
célèbre sous le nom d’eau de Javel. Le comte d’Artois était passionné
d’aérostation, et des recherches furent menées sur l’air inflammable, sur l’anémomètre ;
l’usine construisit des ballons libres dans lesquels les astronautes
actionnaient un treuil qui faisait tourner quatre grandes ailes accrochées à la
nacelle.
Petite Ceinture (Place de la Porte de Versailles, 15e)
Au XIXe siècle, le 15ème arrondissement était en
quelque sorte enfermé dans des « frontières » : à l’Ouest la
Seine, le Mur des Fermiers Généraux au Sud, le Chemin de fer à l’Ouest et à
l’Est et, doublant les Fortifications de Thiers, la Petite Ceinture. Construite
en 1867 pour la Rive Gauche, cette ligne ferroviaire enserrait Paris d’un
cercle de fer et constituait une limite symbolique de la ville. Sa mise en
remblai ou tranchées permit d’éviter les passages à niveau. Raccordée à des
lignes radiales, elle était empruntée par des voyageurs (39 millions en 1900)
et des marchandises. Le trafic augmentait lors des Expositions universelles,
puis il déclina. Supprimée en 1934, la ligne fut remplacée, sur les boulevards
extérieurs, par les autobus aui portent les initiales PC.
Sous-Sol (Place de la Porte de Versailles, 15e)
A Vaugirard, de nombreuses carrières de pierres furent
exploitées très profondément ; les matériaux extraits servirent à
construire des monuments parisiens : palais des Tuileries, église
Saint-Sulpice, Ecole militaire, participant ainsi pleinement à la vie de la
cité. Cette exploitation du sous-sol fut l’une des grandes activités de
l’arrondissement où de très nombreuses glaisières et sablières furent aussi
ouvertes entre le XIIIe siècle et la fin du XVIIIe. L’extraction de l’argile
permit une importante industrie de la brique dite de Vaugirard. Les carrières,
fragilisant les constructions, cessent d’être exploitées à partir de l’annexion
de 1860 ; le sous-sol parisien étaitdéjà interdit d’extraction depuis le
Premier Empire.
Usine à gaz (36 Rue Mademoiselle, 15e)
Etablie en 1835, l’usine à gaz de Vaugirard, réputée pour
son insalubrité, ne fut démolie qu’un siècle plus tard. Lors du siège de Paris,
le 24 novembre 1870, un aérostat fabriqué rue des Favorites et gonflé sur place
tenta de s’envoler de l’usine afin d’emporter M. de Fonvielle, quatre autres
passagers et du courrier vers la Belgique ; mais le ballon, mal gonflé, se
sépara de son filet et lorsqu’on voulut le réparer, il s’échappa tout seul dans
les airs, sans filet, sans nacelle et tomba entre les lignes prussiennes et
françaises. Et les Prussiens s’en emparèrent. L’usine à gaz permettait aussi
l’éclairage des rues de l’arrondissement : en 1840, six réverbères à gaz
sont installés rue de la CroixNivert, considérée comme la plus commerçante.
Village suisse (54 Avenue de la Motte-Picquet, 15e)
Pour l’Exposition Universelle de 1900 s’élevait ici une
reconstitution miniature de tous les éléments constitutifs de la Suisse :
montagnes, cascades, forêt de sapins, chalet, pâturages avec de vraies vaches,
petite bourgade d’architecture ancienne, maisons et auberges typiques des
différentes régions, « habitées » par des fermier fabriquant du
fromage, des sculpteurs du bois, dentellières, brodeuses, fileuses de soie ou
de laine, tresseuses de paille… Un gigantesque panorama de l’Oberland et de ses
glaciers aux neiges éternelles dominait
l’ensemble, détruit lors de la fermeture de l’Exposition ; son nom resta
attaché au périmètre où des boutiques de brocante cimentées devinrent, en 1928,
le rendez-vous des chineurs.
Bravo pour la manufacture du Comte d'Artois, de l'usine à gaz, du sous-sole et de la poudrerie, mais quid des usines Citroën et automobiles Mors ?
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