jeudi 5 mai 2016

Quinzième arrondissement



QUINZIEME ARRONDISSEMENT



Auberge du soleil d’or (226 Rue de Vaugirard, 15e)

Bâtie au début du XVIIIe siècle, cette auberge abrita, en 1791, des conspirateurs royalistes décidés à exterminer les membres du Club des Jacobins. Mais le « complot du Soleil d’or » échoua. En 1796, les conjurés de la « Conspiration du camp, de Grenelle » avaient également choisi ce lieu pour se réunir. Leur but : renverser le Directoire en soulevant les régiments campés dans la plaine de Grenelle. Les conspirateurs, discrets, utilisaient une petite ruelle attenante et entreposaient des armes à l’auberge. Le 23 fructidor an IV (9 décembre 1796), 800 hommes se rassemblèrent, essayèrent de franchir les premiers postes vers Paris, sans succès : l’auberge fut cernée et, après un procès, 10 meneurs fusillés dans la plaine le 20 septembre.


Chateaubriand (Quai Branly, face à la Rue de la Fédération, 15e)

En 1791, Armand de Chateaubriand, cousin de l’écrivain, ardent royaliste, avait émigré à Jersey. En 1808, en plein épanouissement du Premier Empire, il décide de revenir en France en conspirateur, afin d’activer le retour des Bourbon. Il reçoit le conseil de repartir et s’embarque à nouveau, avec du courrier compromettant, sur un bateau rejeté sur la côte. Reconnu et arrêté, il est condamné à mort par une Commission militaire le 25 février 1809, et fusillé le 31 mars suivant dans la plaine de Grenelle avec ses deux complices. Le lieu du supplice, contre le mur des Fermiers Généraux, n’est pas connu avec exactitude mais se situe vraisemblablement près de la barrière de Grenelle. Chateaubriand, qui avait essayé en vain de sauver son cousin, décrit la scène dans les « Mémoires d’Outre-Tombe » : « Le jour de l’exécution, je voulus accompagner mon camarade (d’enfance) sur son dernier champ de bataille ; je ne trouvai point de voiture, je courus à pied à la plaine de Grenelle. J’arrivai, tout en sueur, une seconde trop tard : Armand était fusillé contre le mur d’enceinte de Partis. Sa tête était brisée… Je suivis la charrette qui conduisit le corps d’Armand et de ses deux compagnons au cimetière de Vaugirard. »


Cimetière Vaugirard (16 Boulevard Pasteur, 15e)

« Le cimetière Vaugirard était ce qu’on pourrait appeler un cimetière fané. Il tombait en désuétude. La moisissure l’envahissait, les fleurs le quittaient. Les bourgeois se souciaient peu d’être enterrés à Vaugirard, cela sentait le pauvre… C’était un enclos vénérable, planté en ancien jardin français. Des allées droites, des buis, des thuyas, des houx, de vieilles tombes sous de vieux ifs, l’herbe très haute. Le soir y était tragique. Il y avait là des lignes très lugubres… Ce cimetière avait ses originalités en dehors de la règle, gênait la symétrie administrative. On l’a supprimé peu après 1830 ». Dans « Les Misérables », Victor Hugo y décrit l’enterrement de Jean Valjean, caché dans le cercueil de la mère Crucifixion pour sortir du couvent.  


Fête de la Raison (Place Henri Rollet, 15e)

En 1791, l’église Saint-Lambert fermée au culte catholique devient Temple de la Raison, ses objets précieux, vitraux, boiseries, reliques, statues, sont confisqués ou détruits. Plusieurs grandioses cérémonies y sont organisées : tout d’abord une Fête de la Raison, le 20 novembre 1798 (30 brumaire an III), en l’honneur des Martyrs de la Liberté. Devant une nombreuse assemblée, au son d’hymnes à la Liberté, une citoyenne représentant la déesse Raison accompagnée de deux vestales sort de l’église portée en triomphe ; également entourée de ses vestales vêtues de blanc, la Liberté trône sur une char, précédée d’un greffier de paix, un Hercule en costume… Un cortège composé d’un détachement de gendarmerie, de la Municipalité et d’autres municipalités voisines, de musiciens et de notables défile dans les rues, avec les bustes de J.-J. Rousseau, Marat, Brutus et Le Peletier de Saint-Fargeau. Le 9 janvier 1794, une nouvelle fête est célébrée en grande pompe au pied de l’arbre de la Liberté : l’église change de nom, dédiée à l’Etre suprême. Abandonnée, transformée en magasin de fourrages, elle retrouve sa destination initiale en 1828. 


L’abbé Groult (137 Rue de l’Abbé Groult)

En 1820, l’abbé Groult d’Arcy acheta à Vaugirard la maison de campagne du petit séminaire Saint-Sulpice, afin d’y installer ses élèves ; lui-même habitait une maison située sur la propriété. Devenu conseiller municipal de Vaugirard en 1827, connu pour sa générosité et sa bienveillance à l’égard des habitants du village, l’abbé devint aussi président du Conseil de fabrique de la paroisse. Lorsqu’il mourut à Vichy en 1843, son corps fut ramené à Vaugirard pour être enterré dans le cimetière de la rue Lecourbe. Par testament, il avait légué une forte somme d’argent ainsi qu’une partie de sa propriété pour l’édification d’une église. Cinq ans plus tard, après de grandes difficultés, la paroisse Saint-Lambert eut un nouveau sanctuaire.


La poudrerie (16 Place Dupleix, 15e)

Par un arrêté du 10 pluviôse an II (29 janvier 1794), le Comité de Salut public transformait le ci-devant château de Grenelle, ainsi que la ferme et les bâtiments avoisinants, en « deux établissements provisoires de fabrication révolutionnaire de poudre ». Par mesure de sécurité, les bâtiments alentour furent vidés de leurs occupants, ou démolis. Mais, peu de temps après la chute de Robespierre, une catastrophe mit Paris en grand émoi : le 14 fructidor (31 août 1794), à 7 heures et quart du matin, la poudrerie explosa. Trois fortes détonations se firent entendre et l’immense colonne de fumée pouvait se voir de toute la ville. Il y eut de nombreuses victimes, morts et blessés ; les dégâts furent considérables. L’origine du désastre est restée inconnue.


La Ruche (1 Passage de Dantzig, 15e)

Fin 1900, les pavillons de l’Exposition universelle étaient à vendre. Un sculpteur en vogue, Alfred Boucher, qui avait acheté peu cher un terrain de 5000 m2 proche des fortifications, se porta acquéreur de la rotonde des vins, construite par Eiffel, et de nombreux autres pavillons légers. Il réédifia ici un ensemble inauguré au printemps 1902, sorte de phalanstère artistique de quelque 140 ateliers. Alfred Boucher devint mécène en logeant, pour un loyer ridicule, de jeunes artistes : peintres, sculpteurs, écrivains, tels Léger, Chagall, Zadkine, Soutine, Archipenko…Boucher les appelait ses abeilles, et le pavillon fut nommé La Ruche. Lui-même s’était fait construite une petite maison, où il vécut jusqu’à sa mort en 1934.


Le choléra (397 bis rue de Vaugirard, 15e)

En 1832, le choléra exerça ses ravages à Vaugirard et à Grenelle. Il y eut plus de 300 victimes. Les habitants surexcités pensaient l’épidémie due à la malveillance, et croyaient les fontaines empoisonnées. Le 5 avril, des femmes employées à l’abattoir accusèrent des hommes attablés dans un cabaret d’être porteurs de substances vénéneuses pour répandre la maladie. Ils furent lynchés. Un écrivain ambulant subit le même sort. Un orphelinat fut créé à Paris pour recueillir les nombreux enfants dont les parents étaient morts durant l’épidémie. Transféré à Grenelle en 1854, il fut appelé Saint-Charles. Un « costume préservatif contre le choléra » tel que celui-ci avait été imaginé et des avis étaient placardés donnant des conseils (propreté, sobriété) pour éviter la contamination.


Les Abattoirs (face au 53 Rue des Morillons, 15e)

Les abattoirs de Vaugirard furent construits de 1894 à 1897, selon les plans de E. Moreau, sur un vaste terrain de 10 hectares occupés jusqu’alors par des vignobles et des cultures maraîchères. Ils remplaçaient les abattoirs dispersés de la rive gauche et comprenaient trois sections : une abattoir de boucherie, une autre de charcuterie et un abattoir hippophagique, modèle du genre ouvert en 1907. Construits sur d’anciennes carrières souterraines de pierre à bâtir, ils nécessitèrent de grands travaux de remblaiement et de nivellement du terrain. Visités en 1897 par le président de la République Félix Faure, ils ne furent inaugurés qu’en 1898. Deux ruminants en bronze, œuvre de Cain, en dominaient l’entrée.


Les Chiffonniers (208 Rue Saint-Charles, 15e)

La Cité des Mousquetaires abritait le monde à part, hiérarchisé et très réglementé, des chiffonniers : le piqueur remuait les ordures avec son crochet, le placier possédait le droit de vider les boîtes à ordures sur une « place », le maître-chiffonnier s’occupait de la revente et détenait un réel pouvoir par le système d’avances consenties aux « biffins ». En 1884, le préfet Poubelle tenta de contrôler et de limiter leur nombre, par l’usage obligatoire de boîtes à ordures vidées par l’administration ; mais ils conservèrent le droit de vider ces « poubelles » sur des toiles avant le passage des voitures et de procéder à un tri selon 8 catégories qui alimentaient de nombreuses industries. Plusieurs tentatives de coopératives destinées à lutter contre le pouvoir des maîtres-chiffonniers échouèrent : en 1890, une éphémère « Société des Mousquetaires » et, en 1900, « L’Avenir du 15ème arrondissement ». Des syndicats furent également créés, tel le « Tombeau des lapins », parfois inscrits à la Bourse du Travail. Mais celui de Montmartre, concurrent, était puissant et mieux organisé. L’urbanisation et la progression de l’hygiène eurent raison de cette profession aux conditions de vie misérables.


Les fortifications (angle Avenue de la Porte de Sèvres et Bd. du Général Martial Valin, 15e)

En juillet 1840, par peur d’une guerre avec une coalition de pays d’Europe, Thiers, Président du Conseil, décide la construction d’une enceinte fortifiée autour de Paris. Cette gigantesque couronne elliptique de 34 km de long et 140 m de large comprenait deux lignes de défense : la première, intérieure, constituée de 94 bastions (27 sur la rive gauche) et la seconde, extérieure, formée de 16 forts détachés. Ces « Fortifs », construites entre 1840 et 1846 avec des quantités de pierres et de sable provenant des carrières de Vaugirard, devinrent la nouvelle limite de l’octroi. Lors du siège de 1870, les puissants projectiles prussiens avaient une portée suffisante pour atteindre Paris. L’arasement des Fortifs commença en 1919.


Les moulins (305 Rue de Lecourbe, 15e)

En 1810, 14 moulins à vent étaient établis dans les immenses plaines de Grenelle proches de Vaugirard : moulin de la Pointe, rue Falguière ; moulin de Vaugirard, rue de Dantzig ; moulin de Garnier, rue Lecourbe ; ou encore : moulin de la Citadelle, moulin de Beurre, Moulin Vieux et Moulin Neuf, moulin de Javel, moulin des Fourneaux. Outre leur fonction habituelle, ils formaient des buts de promenade au milieu des champs et certains avaient mêmes été transformés en guinguettes. L’un d’eux, qui tournait devant la porte du Temple, avait été acheté en 1672, démonté, transporté et reconstruit à Vaugirard, vers le cimetière de la rue Lecourbe. En raison de leur faible activité, ils ont néanmoins tous disparu en 1860. 


Mademoiselle (Place Etienne  Pernet, angle Rue des Entrepreneurs, 15e)

Le 2 septembre 1827, après avoir assisté aux courses du Champ-de-Mars, Mademoiselle, fille du duc de Berry, participa avec sa tante la duchesse d’Angoulême, fille de Louis XVI, à la pose de la première pierre de l’église Saint-Jean-Baptiste de Grenelle. Accompagnées de madame la duchesse de Gontaut, elles furent accueillies à leur descente de voiture par le Préfet de la Seine, le Préfet de Police et par monsieur Fondary, maire de Vaugirard. Monsieur Violet, premier fondateur du village de Beaugrenelle et monsieur Bontat, l’architecte, étaient également présents. Des fleurs, présentées par la fille de monsieur le Maire à madame la Dauphine, furent acceptées « avec bonté ». Monseigneur l’Archevêque de Paris, le curé de Vaugirard et un clergé nombreux ont béni la pierre, scellée ensuite par madame la Dauphine. Mademoiselle voulut aussi prendre part à la cérémonie et se fit remettre la truelle des mains de sa tante. Le beau temps régnait ce jour-là et un grand nombre de spectateurs salua les participants par des acclamations. Le chemin, nommé par la suite Mademoiselle, avait été préalablement élargi pour laisser passer le cortège. Une médaille commémorative fut frappée  à l’occasion de cette cérémonie.


Manufacture du Comte d’Artois (Rue Cauchy, angle Quai André Citroën 15e)

En 1777, sur les bords de la Seine, fut installée une usine de produits chimiques, premier établissement véritablement industriel : la manufacture du comte d’Artois, plus jeune frère de Louis XVI, propriétaire du terrain. Dans ses ateliers, deux chimistes inventifs fabriquèrent, pour la première fois en quantité, le blanc de plomb, la soude épurée et l’alun. Ils furent aussi les premiers à obtenir de l’hypochlorite de potasse, mondialement célèbre sous le nom d’eau de Javel. Le comte d’Artois était passionné d’aérostation, et des recherches furent menées sur l’air inflammable, sur l’anémomètre ; l’usine construisit des ballons libres dans lesquels les astronautes actionnaient un treuil qui faisait tourner quatre grandes ailes accrochées à la nacelle.


Petite Ceinture (Place de la Porte de Versailles, 15e)

Au XIXe siècle, le 15ème arrondissement était en quelque sorte enfermé dans des « frontières » : à l’Ouest la Seine, le Mur des Fermiers Généraux au Sud, le Chemin de fer à l’Ouest et à l’Est et, doublant les Fortifications de Thiers, la Petite Ceinture. Construite en 1867 pour la Rive Gauche, cette ligne ferroviaire enserrait Paris d’un cercle de fer et constituait une limite symbolique de la ville. Sa mise en remblai ou tranchées permit d’éviter les passages à niveau. Raccordée à des lignes radiales, elle était empruntée par des voyageurs (39 millions en 1900) et des marchandises. Le trafic augmentait lors des Expositions universelles, puis il déclina. Supprimée en 1934, la ligne fut remplacée, sur les boulevards extérieurs, par les autobus aui portent les initiales PC.


Sous-Sol (Place de la Porte de Versailles, 15e)

A Vaugirard, de nombreuses carrières de pierres furent exploitées très profondément ; les matériaux extraits servirent à construire des monuments parisiens : palais des Tuileries, église Saint-Sulpice, Ecole militaire, participant ainsi pleinement à la vie de la cité. Cette exploitation du sous-sol fut l’une des grandes activités de l’arrondissement où de très nombreuses glaisières et sablières furent aussi ouvertes entre le XIIIe siècle et la fin du XVIIIe. L’extraction de l’argile permit une importante industrie de la brique dite de Vaugirard. Les carrières, fragilisant les constructions, cessent d’être exploitées à partir de l’annexion de 1860 ; le sous-sol parisien étaitdéjà interdit d’extraction depuis le Premier Empire.


Usine à gaz (36 Rue Mademoiselle, 15e)

Etablie en 1835, l’usine à gaz de Vaugirard, réputée pour son insalubrité, ne fut démolie qu’un siècle plus tard. Lors du siège de Paris, le 24 novembre 1870, un aérostat fabriqué rue des Favorites et gonflé sur place tenta de s’envoler de l’usine afin d’emporter M. de Fonvielle, quatre autres passagers et du courrier vers la Belgique ; mais le ballon, mal gonflé, se sépara de son filet et lorsqu’on voulut le réparer, il s’échappa tout seul dans les airs, sans filet, sans nacelle et tomba entre les lignes prussiennes et françaises. Et les Prussiens s’en emparèrent. L’usine à gaz permettait aussi l’éclairage des rues de l’arrondissement : en 1840, six réverbères à gaz sont installés rue de la CroixNivert, considérée comme la plus commerçante.


Village suisse (54 Avenue de la Motte-Picquet, 15e)

Pour l’Exposition Universelle de 1900 s’élevait ici une reconstitution miniature de tous les éléments constitutifs de la Suisse : montagnes, cascades, forêt de sapins, chalet, pâturages avec de vraies vaches, petite bourgade d’architecture ancienne, maisons et auberges typiques des différentes régions, « habitées » par des fermier fabriquant du fromage, des sculpteurs du bois, dentellières, brodeuses, fileuses de soie ou de laine, tresseuses de paille… Un gigantesque panorama de l’Oberland et de ses glaciers aux neiges éternelles  dominait l’ensemble, détruit lors de la fermeture de l’Exposition ; son nom resta attaché au périmètre où des boutiques de brocante cimentées devinrent, en 1928, le rendez-vous des chineurs.

1 commentaire:

  1. Bravo pour la manufacture du Comte d'Artois, de l'usine à gaz, du sous-sole et de la poudrerie, mais quid des usines Citroën et automobiles Mors ?

    RépondreSupprimer

Vos observations sont les bienvenues