DIXIEME ARRONDISSEMENT
Atelier de Corot (54 Rue de Paradis, 10e)
Camille Corot (1796-1875) habitait à deux pas, 56 rue du
Faubourg Poissonnière. Il eut ici son atelier, ainsi décrit par son ami et
biographe, Alfred Robaut : « Ce n’était point un de ces ateliers
encombrés de bibelots et de colifichets tels que les aiment nos peintres à la
mode ; c’était un sanctuaire de l’art, presque austère dans sa simplicité,
les innombrables études accrochées de toutes parts sur les murailles nues en
composaient la seule décoration… C’est bien ainsi qu’il se tenait au
chevalet : bonnet de coton aujourd’hui, d’autres fois une toque de velours
noir… puis blouse bleue, très longue, qu’au désespoir de sa bonne, Adèle, il ne
se donnait pas la peine de boutonner… enfin bons chaussons de
Strasbourg… »
Canal
Saint-Martin (Angle Rue du Faubourg du Temple et Quai de Jemmapes, 10e)
Destinés
à prolonger le canal de ‘Ourcq, le canal de Saint-Denis et le canal
Saint-Martin offraient une voie de navigation de Seine à Seine qui permettait
aux embarcations un gain de 12
km sur le trajet. Si le canal Saint-Denis est en majeure
partie situé hors de Paris, le canal Saint-Martin traverse le 10e
arrondissement de part en part : il constituait non seulement une voie de
transport fluvial, mais aussi un embellissement pour la capitale. Commencés
sous l’Empire, ses travaux s’achevèrent sous la Restauration, en 1825. Du
bassin de la Villette à celui de l’Arsenal, avec un coude d’une longueur de 4,5 km pour contourner
l’hôpital Saint-Louis, il nécessite neuf écluses pour racheter une
dénivellation de 25 mètres.
Primitivement à ciel ouvert, il présentait le grave inconvénient d’isoler de la
ville tous les quartiers situés entre son tracé et les boulevards
extérieurs ; sous le Second Empire, il fut voûté partiellement en amont de
la place de la Bastille. La largeur du plan d’eau est de 27 mètres, sa profondeur
de 2 mètres.
Caserne
de la Nouvelle-France (82 Rue du Faubourg Poissonnière, 10e)
La
première caserne de la Nouvelle-France fut achevée en 1773 par
l’architecte-entrepreneur Claude-Martin Goupy pour les gardes-françaises,
rebaptisées gardes-nationaux à la Révolution. Une légende sans fondement
affirme qu’elle aurait hébergé Bernadotte, futur maréchal de France, puis roi
de Suède sous le nom de Charles XIV. Cette caserne abrita des troupes
d’infanterie jusqu’en 1914, et, après cette date, la garde républicaine qui
l’occupe toujours. Vers 1930, elle fut détruite pour vétusté, et reconstruite
par l’architecte Boegner. Les trophées d’armes de la porte d’entrée, adossés au
pignon de la maison voisine, ont été conservés.
Conservatoire
Hector Berlioz (6 Rue Pierre Bullet, 10e)
Pierre-Désiré
Gouthière, né en 1732 à Bar-sur-Aube, vint tôt à Paris et devint l’élève du
ciseleur-doreur François Ceriset dont il épousa la veuve. Il connut alors une
vogue extraordinaire. Inventeur du procédé de la dorure au mat qui donnait à
ses œuvres un éclat incomparable, il réalisait d’après les dessins d’architecte
illustres comme Bélanger ou Ledoux des girandoles ou des bras-de-lumière très
appréciés de Louis XVI, du duc d’Orléans ou de madame du Barry. A la
Révolution, ses clients entraînèrent dans leur ruine l’artisan impayé. Cet
hôtel, construit par Joseph Métivier, le perdit. Gouthière avait vu
grand : le bâtiment visible aujourd’hui est une petite partie d’un vaste
corps de logis comportant plusieurs boutiques. Incapable de faire face à ses
créanciers, il mourut dans la misère en 1813. Derrière l’élégante façade à
refends, dont la porte s’orne d’une lunette où deux figures féminines
couronnent une divinité, surmontée d’une frise représentant le triomphe de
Bacchus, les gypseries du décor intérieur subsistent en grande partie.
Cour
des Petites-Ecuries (17 Rue des Petites-Ecuries, 10e)
Le
cour des Petites-Ecuries conserve le visage des anciens faubourgs de Paris.
Dans la seconde moitié du XVIIIe siècle, elle était occupée par les remises,
ateliers et écuries du roi, avec, en étage, les logements des palefreniers,
carrossiers, doreurs, vernisseurs et selliers. Les Petites-Ecuries avaient en
effet la charge du matériel et des voitures, les Grandes-Ecuries étaient
consacrées aux chevaux. A l’angle nord-ouest se trouve la maison d’Aubert,
sculpteur, peintre, doreur et vernisseur du roi, qui travaillait au décor des
carrosses de la cour ; au n°5 s’élevait une chapelle aménagée pour les
artisans. Le n°63 offre un décor unique à Paris de brasserie allemande des
années 1910-1913, avec peintures sur cire : sur la frise, ses nains
récoltent le houblon ou brassent la bière, tandis que Gambrinus vide une chope.
Dès 1887 était apparu en ce lieu un dépôt de bière, puis, en 1901, une
brasserie. En 1909, Floderer reprit les deux établissements pour fonder la
célèbre brasserie Flo, déjà fréquentée par Léon Daudet. La cour des
Petites-Ecuries avait à l’origine deux issues seulement : la troisième a
été ouverte en 1819 sur la rue d’Enghien.
Couvent
des Récollets (angle Rue du Faubourg Saint-Martin et Avenue de Verdun, 10e)
Les
Récollets, issus à la fin du XVe siècle d’une réforme de l’ordre franciscain,
s’appelaient initialement Frères mineurs de l’étroite observance de saint
François ». Ils obtinrent d’Henri IV en 1604 la permission de s’installer
dans une maison qui leur fut offerte à deux pas de l’église Saint-Laurent. La
première pierre de leur couvent fut posée en 1619. Sous l’Ancien Régime, leur
bibliothèque était très réputée. Fermé en 1790, le couvent fut transformé en
1802 en hospice des Incurables, puis, en 1861 en hôpital militaire. Il prit en
1913 le nom de Jean-Antoine Villemin (1827-1892), médecin des armées auteur de
recherches sur la tuberculose. La situation de cet hôpital près des gares du
Nord et de l’Est lui a valu une grande activité durant les deux guerres
mondiales, et même encore pendant les opérations d’Algérie. La vétusté de ses
équipements entraîna sa fermeture en 1968. Les bâtiments du couvent qui
subsistent de nos jours datent du XVIIIe siècle. Façade, chapelle et
escalier d’honneur sont classés.
Eglise Saint-Laurent (68 Boulevard de Magenta, 10e)
Bâtie
à l’emplacement d’une basilique mérovingienne plusieurs fois reconstruite,
l’église actuelle est un monument composite : clocher du XIIe siècle
surélevé au XVIIIe siècle, cœur de 1429, nef élargie au XVe siècle. En 1621,
l’architecte Lepautre éleva un beau portail classique, aujourd’hui détruit, et
en 1712, on construisit derrière le chœur la chapelle de la Vierge, en forme de
rotonde coiffée d’une coupole. De 1863 à 1867, la façade fut alignée sur le
boulevard de Strasbourg récemment percé, en ajoutant deux travées, légèrement
plus élevées que les autres ; le nouveau portail, orné d’une peinture sur
lave émaillée de Balze, représente les principaux éléments de la vie de saint
Laurent. Ces travaux furent exécutés sous la direction de Constant Dufeux.
Eglise
Saint-Martin-des-Champs (36 Rue Albert Thomas, 10e)
Saint-Martin-des-Champs
est l’une de ces églises construites sous le Second Empire pour faire face à
l’extension de la population parisienne. Elle fut érigée à partir de 1854,
grâce à une souscription ouverte parmi les habitants du quartier du Château
d’Eau, et terminée en 1856. Bâtie sur les plans de Paul Gallois, architecte des
hospices de la Ville de Paris, elle est de construction rudimentaire, en
charpente et moellon ; l’édifice était alors considéré comme provisoire.
En façade, les consoles soutenant l’archivolte, à décor de dents de scie et de
feuillage, et le petit oculus orné d’une croix grecque sont les seuls
ornements. Le petit clocher est un ajout de l’architecte Vaudry en 1933. A l’intérieur, des
peintures de Villé retracent les principaux épisodes de la vie de saint Martin,
et deux tableaux d’Henri Lerolle sont également consacrés au saint patron de
l’église. L’orgue est l’œuvre de Cavaillé-Coll, et les stalles de chêne ont été
exécutées en 1881 par Moisseron et André d’Angers.
Eglise
Saint-Vincent-de-Paul (angle Rues Lafayette et Bossuet, 10e)
Dédiée
à saint Vincent de Paul, cette église domine le quartier où il a vécu et œuvré.
Elle a été bâtie à partir de 1824 par Jean-Baptiste Lepère assisté de son
gendre Hittorff, qui prit une part décisive au chantier. De plan basilical,
elle évoque toutes les plus grandes réalisations de l’architecture religieuse
sans en copier aucune. Au-dessus du portique, emprunté aux temples grecs, le
fronton sculpté par Leboeuf-Nanteuil a pour sujet la glorification du saint
entouré de figures symbolisant son action : un missionnaire, un galérien,
des sœurs de la Charité se dévouant à des enfants ou à des malades. A
l’intérieur, la frise peinte de 1848 à 1853 par Hippolyte Flandrin autour de la
nef, entre les deux étages de colonnes, représente cent-soixante saints et
saintes s’avançant vers le sanctuaire. Le décor de la chapelle de la Vierge, au
chevet, une adjonction postérieure, est de William Bouguereau (1885-1889). Le
Calvaire du maître-autel est de Rude.
Gare
de l’Est (Place du 11 novembre 1918, 10e)
Construite
de 1847 à 1849 par François Duquesney et Pierre Cabanel de Sermet, c’est la
plus ancienne des gares parisiennes. Mais l’édifice initial, placé dans l’axe
du boulevard de Strasbourg percé en 1852 pour lui donner accès, n’est plus, en
raison des extensions successives, que l’aile gauche d’un vaste ensemble. En
subsistent la colonnade, la demi-rosace, les pavillons néo-Renaissance et
surtout le décor sculpté. Au sommet du fronton, la Ville de Strasbourg est l’œuvre
du sculpteur Lemaire (1789-1880). L’horloge centrale est flanquée de deux
représentations de la Seine et du Rhin, dues à Jean-Louis Brian (1805-1864).
Dans le décor des chapiteaux de la colonnade, figurent les différents produits
agricoles des régions traversées par le chemin de fer de l’Est.
Gare
du Nord (18 Rue de Dunkerque, 10e)
Construite
en 1845 par Reynaud sur un terrain de l’ancien enclos Saint-Lazare, la première
gare du Nord eut la vie courte. Rapidement insuffisante, en raison de l’accroissement
du trafic vers la banlieue, elle fut détruite quinze ans plus tard. Sa façade
démontée pierre par pierre fut remontée à Lille, surmontée d’un étage et d’une
tour d’horloge. L’édifice actuel fut construit de 1861 à 1864 par
Jacques-Ignace Hittorff. Son décor sculpté, vingt-trois monumentales de villes
françaises et étrangères (au fronton, Paris), est dû aux plus grands noms de la
sculpture du Second Empire. Agrandie en 1898 en direction de la rue de
Dunkerque, la gare du Nord a pu dès lors assurer, sans grande modification, un
trafic sans cesse croissant.
Gibet
de Montfaucon (49 Rue de la Grange aux Belles, 10e)
Ici
s’élevait le gibet de Montfaucon, érigé sous le règne de saint Louis à
proximité de la route reliant Paris à Meaux. La première exécution marquante
eut pour victime Pierre de la Brosse en 1276. Ce médecin et favori de Philippe
le Hardi était accusé d’avoir empoisonné le fils aîné du roi. Au premier gibet,
en bois, succéda en 1335 une construction en maçonnerie, par les soins de Pierre
Rémy, trésorier des finances de Charles IV le Bel : il y fut lui-même
pendu trois ans plus tard. Après la construction de l’hôpital Saint-Louis, le
gibet tomba en désuétude. Il fut définitivement abattu en 1760. En 1954, les
restes de deux piliers et des ossements furent mis au jour lors de
travaux.
Hôpital
Fernand-Widal (200 Rue du Faubourg Saint-Denis)
L’hôpital
Fernand-Widal occupe les locaux de la maison municipale de la santé construite
en 1858 par Théodore Labrouste, architecte en chef des hôpitaux de Paris de
1845 à 1896, et frère d’Henri Labrouste, auteur de la Bibliothèque nationale.
Le maître d’œuvre a recherché la symétrie et voulu donner à l’ensemble un
aspect monumental. Comme à l’hôpital Lariboisière, les pavillons sont situés de
part et d’autre d’une cour d’honneur, le long d’un axe qui relie l’entrée
principale à la chapelle. Cette disposition témoignait des préoccupations
sanitaires justifiées par les récentes épidémies de choléra. En 1897, Fernand
Widal (1862-1929), le fondateur de la sérologie clinique, prend à 35 ans la
direction d’un service, où il met au point la méthode de cytodiagnostic,
destinée à déterminer si une pleurésie est d’origine infectieuse ou mécanique.
Il quitte l’hôpital en 1902 pour devenir chef de service à Cochin, où il pose
les règles du diagnostic des néphrites, encore appelées « test de
Widal ».
Hôpital
Lariboisière (2 Rue Ambroise Paré, 10e)
La
construction de l’hôpital Lariboisière fut décidée en 1839. les travaux, menés
sous la direction de Pierre Gauthier, élève de Percier et membre de l’Institut,
durèrent de 1846 à 1853. Avant même d’être achevé, il fut rebaptisé plusieurs
fois : hôpital du Nord, hôpital Louis-Philippe, puis de la République en
1848, il prit finalement le nom d’Elisa Roy, fille d’un ancien ministre des
finances, épouse du comte de La Riboisière : par un legs, elle avait
permis l’achèvement des travaux. Sur un terrain de 52 000 mètres carrés,
pris sur l’ancien clos Saint-Lazare, Gauthier a élevé, de part et d’autre d’une
cour, deux séries parallèles de pavillons isolés de deux étages chacun, reliés
par des promenoirs vitrés, dans le souci de distribuer largement l’air et la
lumière dans tout l’établissement. A l’aplomb du portail d’entrée, au fond de
la cour, s’élève la chapelle : sa façade s’orne des statues de la Charité,
de l’Espérance et de la Foi, et elle renferme le tombeau de la comtesse de La
Riboisière, par Charles Marochetti, sculpteur attitré de la famille d’Orléans.
Le reste du décor est de Noël-Jules Girard, élève de David d’Angers.
Hôpital Saint-Louis (Face au 16 Avenue Claude Vellefaux, 10e)
La
construction de l’hôpital Saint-Louis fut décidée par Henri IV en 1607.
Initialement destiné aux malades de la peste, l’établissement fut placé sous le
vocable de saint Louis, mort de cette maladie au retour de croisade. Claude
Vellefaux, architecte de l’Hôtel-Dieu, dirigea les travaux, sur des plans de
Claude Chastillon, ingénieur, ingénieur et architecte du roi. Autour d’une cour
centrale carrée, s’agençaient quatre grands corps de bâtiments, flanqués au
centre et aux angles de pavillons coiffés de hauts combles. L’isolement était
total. Le vieil hôpital Saint-Louis reste l’une des belles constructions du
XVIIe siècle à Paris ; les nouveaux bâtiments ont été édifiés de 1981 à
1984.
Hôtel Benoît de Sainte-Paulle (30 Rue du Faubourg
Poissonnière, 10e)
Bâti
de 1773 à 1776 par Samson-Nicolas Lenoir sur un terrain provenant du couvent
des Filles-Dieu, cet hôtel compte parmi ses possesseurs successifs Louise
O’Murphy, un des modèles favoris de Boucher, et maîtresse de Louis XV dont elle
eut une fille. Le portail encadré de colonnes à chapiteaux est pourvu d’un
fronton triangulaire orné d’un casque empanaché, d’une épée et d’un rameau de
laurier, allusion à la carrière de Benoît de Sainte-Paulle, militaire
reconverti dans les affaires. Par une porte cochère voûtée à caissons, on
accède à la cour, qui a gardé ses dispositions primitives, sa frise et ses
niches, ainsi qu’au principal corps de logis dont l’avant-corps central forme péristyle.
Hôtel
de Betterel-Quintin d’Aumont (42 Rue des Petites-Ecuries, 10e)
Ai
fond de la cour se cache un des plus beaux vestiges de l’âge d’or du quartier
Poissonnière, un hôtel construit en 1782 par un élève de Boullée, Pérard de
Montreuil, pour Charles-André de la Corée, intendant de la province de
Bourgogne. Le propriétaire suivant, le comte de Botterel-Quintin, fit
construire la somptueuse salle à manger ovale éclairée par une coupole vitrée,
au décor de marbre et stuc. L’architecture pourrait être de Bélanger, le décor
de sphinx, animaux divers, vases de fleurs et de fruits de son beau-frère
Dugoure, et la bacchanale du plafond de Prud’hon. Hormis cette salle, l’hôtel
conserve un escalier aux peintures de style pompéien.
Hôtel
de Bourrienne (58 Rue d’Hauteville, 10e)
Masqué
sur la rue par une maison de rapport élevée au XIXe siècle ; l’hôtel de
Bourrienne conserve un incomparable décor de l’époque Consulat, dont subsistent
fort peu d’exemples. Bâti en 1787-1788 par Célestin-Joseph Happe, l’hôtel
appartint de 1795 à 1798 à une célèbre « merveilleuse », Fortunée
Hamelin, puis à Louis-Antoine Fauvelet de Bourrienne, ami intime et condisciple
de Bonaparte à l’école de Brienne. Une façade très sobre, de style Directoire,
sert d’écrin discret aux splendeurs de l’intérieur : salon d’hiver, salon,
salle à manger, salle de bain, bureau témoignent d’un raffinement subtil dans
leur décor antiquisant. La façade du jardin, décorée des renommées tenant des
couronnes ou des palmes, est attribuée à un élève et Percier et Fontaine,
Antoine-Chérubin Leconte, en collaboration avec son beau-frère, le sculpteur
Lemot. Parmi ses propriétaires, cet hôtel compta à la fin du XIXe siècle
Charles Tuleu de Berny : héritier de la fonderie de caractères
typographiques fondée par Balzac, il installa son entreprise au fond du jardin.
Hôtel de Marmont (51 Rue de Paradis, 10e)
Bâti
à partir de 1775 par Munster pour Louis-Angélique de Gouffé, marquis de Thoix,
cet hôtel en deux corps de logis était primitivement élevé d’un rez-de-chaussée,
d’un entresol et d’un étage de combles, à la Mansart. Il a malheureusement été
surélevé vers 1930. Il passa ensuite entre les mains de Louis Perregaux,
banquier du Comité de Salut public : sa fille unique, Hortense, épousa en
1798 l’aide de camps de Bonaparte, Marmont, futur duc de Raguse. Dans la nuit
du 30 au 31 mars 1814, devant l’invasion du pays par les troupes de l’Autriche,
de la Prusse, de la Russie et de la Suède, un armistice, signé par Marmont pour
la France et par Michel Fédorovitch Orlof, adjudant major d’Alexandre 1er
pour les Alliés, fut ratifié. Hortense Perregaux avait doté cet hôtel d’un
décor conçu par Percier, qui subsiste en partie. Le salon où fut signé
l’armistice conserve sa cheminée ornée de deux sphinx monopodes, et un autre
salon, ses peintures marouflées du Premier Empire. L’hôtel fut ensuite la
demeure d’Alexandre-Marie Aguado, marquis de Las Marismas, l’un des plus riches
financiers du XIXe siècle.
Hôtel du Nord (100 Quai de Jemmapes, 10e)
L’Hôtel
du Nord doit sa célébrité au roman homonyme d’Eugène Dabit (1898-1936) :
il connut dès sa publication en 1929 un grand succès, et valut à son auteur,
dont c’était la première œuvre, le Prix du roman populiste. C’est plutôt un
recueil de nouvelles : un couple, les Lecouvreur, parvient à acheter grâce
à un petit héritage un hôtel dont les locataires sont les héros d’une suite
d’histoire vraisemblablement vécues. Eugène Dabit a dépeint le Paris populaire
côtoyé durant son enfance dans cette pension de mariniers tenue par ses
parents. Les héros sont des personnages déracinés, menant une existence
difficile. Le seul lien entre eux est cet hôtel qui leur sert de havre ;
exproprié à la fin du livre il tombe sous la pioche des démolisseurs. Malgré
l’absence d’intrigue consistante, Marcel Carné a réussi à tirer de ce roman un
film tumultueux et singulier. Sorti en 1938, il est aujourd’hui plus célèbre
que le roman, grâce au travail du metteur en scène, aux dialogues d’Henri
Jeanson, aux décors de Trauner, et à l’interprétation des acteurs, Louis Jouvet
et Arletty en tête.
L’affaire
de Fort Chabrol (face au 69 Rue de Chabrol, 10e)
L’affaire
de Fort Chabrol peut être considérée comme une séquelle de l’affaire Dreyfus.
Jules Guérin, un journaliste antidreyfusard qui allait être appréhendé pour
complot contre la sûreté de l’Etat, s’enferma au siège de l’association qu’il
avait créée, le « Grand Occident de France », au 51 de la rue
Chabrol, avec une quarantaine de compagnons, le 13 août 1899. Le siège par les
forces de l’ordre dura trente-huit jours. On dut détourner les omnibus, car des
sympathisants, du haut de l’impériale, jetaient aux assiégés des ballots de
vivres. On coupa l’eau, on surveilla les égouts. Finalement les assiégés durent
se rendre le 20 septembre. Les compagnons de Guérin sortirent libres, mais
lui-même fut déféré en haute cour et purgea dix ans de prison.
Le Wauxhall (4 Boulevard de Magenta, 10e)
La
Cité du Wauxhall évoque le souvenir d’une construction éphémère, élevée en 1785
par les architectes Mellan et Moench. On désignait alors ainsi des jardins
publics avec bals et concerts, dont la mode venait d’Angleterre. Ce Wauxhall
était une sorte de vaste salon de danse de forme elliptique, communiquant par
deux escaliers en fer à cheval avec un jardin destiné à accueillir des fêtes et
des feux d’artifice. La décoration de ce lieu de plaisir employait toute une
gamme néo-gothique inhabituelle pour l’époque. Le Wauxhall disparut en 1841,
lors du percement de cette rue. Ce type de construction, faisant largement appel
au bois, au stuc et à la toile peinte, ne pouvait d’ailleurs durer longtemps.
Magasins des Faïenceries Boulenger (18 Rue de Paradis, 10e)
L’ancien
magasin des faïenceries de Choisy-le-Roi (maison Hippolyte Boulenger) fut
construit vers 1900 par Jacottin. Il est entièrement orné de céramiques peintes
formant une sorte de catalogue inaltérable de leur production. Sur la rue, la
façade incrustée d’éléments de céramique semble celle d’un théâtre. A
l’intérieur, subsistent le vestibule, la cour, la salle de réception de la
clientèle, et, au premier étage, la grande verrière. Les compositions sont
signées Arnoux et Guidetti. A.-J. Arnoux, qui dirigeait l’atelier de décoration
des faïenceries de Choisy-le-Roi, s’est distingué par ses recherches sur la
cuisson des émaux. De 1978 à 1991 ce bâtiment a hébergé le Musée de l’Affiche
et la Publicité : dépendant de l’Union centrale des Arts décoratifs, il
était destiné à présenter des expositions temporaires d’affiches anciennes ou
contemporaines. Les collections ont aujourd’hui réintégré le Pavillon de
Marsan.
Mairie du Xe Arrondissement (angle Rues du Fbg Saint-Martin
et du Château d’Eau, 10e)
La
première pierre de cet édifice fut posée le 10 janvier 1892, et il fut inauguré
le 28 janvier 1896 en présence du président de la République, Félix Faure,
natif de l’arrondissement : son père, fabricant de sièges, demeurait 65
rue du Faubourg Saint-Denis. Dû à l’architecte Eugène Rouyer, qui reçut ainsi
une sorte de prix de consolation après avoir manqué de peu le concours pour la
reconstruction de l’Hôtel de Ville, conçu lui aussi dans le style du XVIe
siècle, le bâtiment se voulait somptueux, une œuvre d’art et une manifestation
du génie français, intégrant tous les progrès de la science et de l’industrie.
Les conquêtes de la technique se résument dans le comble métallique qui
soutient les vitres du grand hall. Le décor néo-Renaissance évoque les
activités de l’arrondissement à la fin du XIXe siècle : parfumerie et
fleurs artificielles, orfèvrerie et serrurerie d’art, théâtre et transport par
eau, horlogerie et ébénisterie, imprimerie et reliure, porcelaine et broderie.
Maison
Fond (Gare du Nord, face au 17 Rue de Dunkerque, 10e)
Leandro
Erlich (Buenos Aires, 1973) est un artiste argentin. Installée sur le parvis de
la Gare du Nord, Maison fond a été inaugurée dans le cadre de Nuit Blanche, en
partenariat avec Gares & Connexions, le 3 octobre 2015. L’architecture est
depuis tout temps un symbole fort de la culture humaine, elle nous rappelle qui
nous sommes et souvent ce que nous avons perdu. Comme une grande partie de
l’œuvre de Leandro Erlich, cette œuvre résonne dans notre Inconscient, au
travers d’un langage visuel onirique, et pointe du doigt un sujet de
préoccupation urgent et actuel. L’artiste a choisi le titre pour sa
correspondance phonétique avec « Mes enfants », qui vivront le futur
que nous décidons aujourd’hui. A la fois frappante et accessible, celle
installation touche à la réalité humaine de l’impermanence et aux dilemmes
urgents et précis auxquels nous sommes confrontés. Cette installation
accompagne – en marge de la Conférence-cadre des Nations unies sur les
changements climatiques – la réflexion liée à ces enjeux.
C’est
la dernière en date des « pelles Starck ». Si sa forme reproduit
fidèlement le modèle dessiné par Philippe Starck, cette borne est conçue dans
une matière moins noble et moins durable que l’ensemble des autres bornes, ce
qui l’assimile plus à un « clin d’œil » ou à un hommage au concept de
ces panneaux qu’à une véritable borne venue s’insérer dans le parc
« officiel » des bornes.
Musée de Baccarat (30 Rue de Paradis, 10e)
Ici
s’élevait au début du XIXe siècle un relais de poste pour les diligences de
l’Est de la France. En 1831, la société Barbier, Launay et Cie, installée dans
cet immeuble, fut choisie par les cristalleries de Baccarat et de Saint-Louis
pour assurer la distribution de leurs produits. Les trésors du musée sont
répartis entre Paris, New York et la Lorraine : études servant de
référence aux ateliers de fabrication, modèles conservés à la suite de
commandes de particuliers ou pièces réalisées à l’occasion des expositions
universelles, tels le double d’une aiguière offerte à Charles X ou les
candélabres à 79 bougies du Tsar Nicolas II, ou de fabuleuses collections de
flacons à parfum et de sulfures.
Place de la République (Rue du Faugourg du Temple, angle
Place de la République, 10e)
Cette
place correspond au bastion de la porte du Temple dans l’enceinte de Charles V
(XIVe siècle). Ornée en 1811 de la fontaine du Château d’Eau, elle prit sa
physionomie actuelle sous le Second Empire, avec le percement du boulevard de
Magenta et du boulevard du Prince-Eugène, aujourd’hui dédié à Voltaire. Gabriel
Davioud, architecte de la Ville de Paris, construisit la caserne qui remplace l’ancien
Wauxhall, et le diorama de Daguerre, ainsi que les Magasins réunis. En 1879, un
concours, organisé pour l’installation d’un grand monument consacré à la
République, fut remporté par les frères Morice, Léopold pour la statuaire et
Charles pour le soubassement. La cérémonie d’inauguration eut lieu le 14
juillet 1883.
Porte
Saint-Denis (28 Boulevard Saint-Denis, 10e)
En
1670, Louis XIV décide de la destruction de l’enceinte de Charles V, pour faire
place à une promenade plantée d’arbres, baptisée « boulevard », terme
d’origine militaire. Conçue comme un arc de triomphe dédié aux victoires de
Louis XIV en Hollande, la porte Saint-Denis est construite à partir de 1672 par
François Blondel, architecte de la Ville de Paris. Le décor sculpté est de Michel
Anguier. Du côté de la ville, le bas-relief au-dessus de l’arc central montre
le passage du Rhin par l’armée française. A gauche, la Hollande est représentée
sous l’aspect d’une femme accablée, à droite, le Rhin comme un dieu frappé de
terreur. Au-dessus des portes piétonnes, l’inscription latine indique que Louis
le Grand a, en soixante jours, passé le Rhin, le Waal, la Meuse et l’Elbe,
conquis trois provinces et enlevé quarante places fortes. Du côté du faubourg,
le bas relief représente le siège de Maastricht, l’une des villes les mieux
fortifiées d’Europe, conquise en juin 1673.
Porte
Saint-Martin (96 Rue René Boulanger, 10e)
Bâtie
à partir de 1674 par Pierre Bullet, élève de Blondel, plus massive et moins
ornée que la porte Saint-Denis, la porte Saint-Martin s’inscrit dans un carré
de 18 mètres
de côté. Ses deux faces, percées de trois arcs, celui du centre deux fois plus
haut que les arcs latéraux, sont ornées de bossages vermiculés. Au-dessus, un
entablement est surmonté d’un attique. Surmontant les portes latérales, quatre
bas-reliefs sont consacrés aux faits d’armes de Louis XIV en Franche-Comté. Sur
le boulevard, la prise de Besançon et la rupture de la Triple Alliance, par
Martin Van den Bogaert, dit Desjardins, et Gaspard Marsy, élève de Michel
Anguier : Louis XIV apparaît terrassant un aigle, tandis que la Victoire
le couronne de lauriers. Du côté du faubourg, la prise de Limbourg et la
défaite des Allemands sont d’Etienne Lehongre et Pierre Legros. L’inscription
latine de l’entablement rappelle que Louis XIV a pris deux fois Besançon et la
Franche-Comté, écrasant les armées allemandes, espagnoles et hollandaises.
Square
Alban-Satragne (face au 112 Rue du Faubourg Saint-Denis, 10e)
Le
square, créé en 1963 sur une partie de l’ancien enclos Saint-Lazare, porte le
nom d’un ancien conseillé municipal du quartier (1887-1954). Un léproserie fut
fondée ici au début du XIIe siècle. La protection royale en fit peu à peu le
plus étendu des établissements religieux de Paris, vaste de cinquante hectares.
En 1632, la lèpre avait depuis longtemps disparu : les bâtiments de
Saint-Lazare furent donnés à Vincent de Paul pour en faire le siège de sa
Mission, destinée à la formation du clergé et au soulagement des pauvres.
Saccagée dès le 13 juillet 1789, la maison de Saint-Lazare devint une prison,
où furent incarcérés André Chénier et Aimée de Coigny – la « jeune
captive » - . Elle le resta jusqu’à sa disparition définitive en 1935.
Théâtre
Antoine (14 Boulevard de Strasbourg, 10e)
Sur
l’emplacement d’un café-concert, le « Grand Concert du XIXe siècle »,
s’éleva tout d’abord le théâtre des Menus-Plaisirs, construit par Lehmann,
décoré par Robecki et dirigé par Gaspari. Inauguré en 1866, ce petit théâtre
voué au vaudeville ne connut pas de succès fulgurants en dehors de
« Geneviève de Brabant », opéra-bouffe d’Offenbach, et fut rapidement
démoli. En 1881, lui succéda la Comédie parisienne de Marcel Delignières,
elle-même peu prisée du public jusqu’en 1897 : la direction en est alors confiée
à André Antoine, fondateur du Théâtre-Libre, découvreur de Porto-Riche, de
Courteline et de Jules Renard. Il y continua la politique de jeunes auteurs
commencée au Théâtre-Libre, puis en 1904 y monta le Roi Lear, initiative d’une
grande audace sur le Boulevard. Il garda la direction de l’établissement
jusqu’à sa nomination comme directeur de l’Odéon, en 1906. ce créateur de la
mise en scène moderne exigeait de ses acteurs un jeu naturel, balayant les
conventions théâtrales de son temps ; André Antoine mourut en 1943, à 86
ans.
Théâtre
de la Porte Saint-Martin (18 Boulevard Saint-Martin, 10e)
Ce
théâtre s’élève sur l’emplacement d’un ancien cimetière des protestants
étrangers. En 1781, après l’incendie de l’Opéra du Palais-Royal (8 juin) qui
privait Paris d’une salle de spectacle, l’architecte Samson-Nicolas Lenoir, dit
Lenoir le Romain, bâtit ici, en soixante-cinq jours, une salle provisoire. Les
travaux commencèrent le 2 août et furent menés nuit et jour avec une célérité
inconnue jusque là. Le 27 octobre, il put ouvrir une salle de 1800 places (la
première à offrir des sièges au parterre), avec une représentation gratuite en
l’honneur de la naissance du Dauphin, ce qui permit de vaincre l’appréhension
du public. Cette salle, construite en charpente dans une cage de maçonnerie,
aurait dû être rapidement remplacée par un bâtiment définitif : elle
subsista en fait près d’un siècle, jusqu’à son incendie par la Commune en 1871.
Elle a connu des heures de gloire avec des acteurs tels que Frédérick Lemaître
dit le « Talma du boulevard », Marie Dorval ou Mlle Georges.
Construit sur les plans de Chardonnière et Bonnet,le nouveau théâtre ouvrit ses
portes en 1873. En 1897, Edmond Rostand y remporta un triomphe historique avec
son Cyrano de Bergerac.
Théâtre
de la Renaissance (20 Boulevard Saint-Martin, 10e)
Ce
théâtre fut installé en 1872 à l’emplacement du célèbre restaurant Deffieux
anéanti par les incendies de la Commune. Sa façade est ornée de cariatides dues
au ciseau de Carrier-Belleuse. Inauguré en 1873 sous la direction d’Hippolyte
Hostein, il fut d’abord consacré au drame puis aux opérettes, sous la direction
de Victor Koning (la Jolie parfumeuse, Giroflée-Girofla). Il revint dès 1874 à
sa première vocation sous la direction de Fernand Samuel avec le chef-d’œuvre
d’Henry Becque : La Parisienne. Ce fut ensuite, avec Sarah Bernhardt,
Lorenzaccio de Musset et la samaritaine de Rostand. En 1902, Lucien Guitry s’y
installa et débuta par un coup de maître avec la Châtelaine d’Alfred Capus.
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