jeudi 5 mai 2016

Dixième arrondissement



DIXIEME ARRONDISSEMENT



Atelier de Corot (54 Rue de Paradis, 10e)

Camille Corot (1796-1875) habitait à deux pas, 56 rue du Faubourg Poissonnière. Il eut ici son atelier, ainsi décrit par son ami et biographe, Alfred Robaut : « Ce n’était point un de ces ateliers encombrés de bibelots et de colifichets tels que les aiment nos peintres à la mode ; c’était un sanctuaire de l’art, presque austère dans sa simplicité, les innombrables études accrochées de toutes parts sur les murailles nues en composaient la seule décoration… C’est bien ainsi qu’il se tenait au chevalet : bonnet de coton aujourd’hui, d’autres fois une toque de velours noir… puis blouse bleue, très longue, qu’au désespoir de sa bonne, Adèle, il ne se donnait pas la peine de boutonner… enfin bons chaussons de Strasbourg… »


Canal Saint-Martin (Angle Rue du Faubourg du Temple et Quai de Jemmapes, 10e)

Destinés à prolonger le canal de ‘Ourcq, le canal de Saint-Denis et le canal Saint-Martin offraient une voie de navigation de Seine à Seine qui permettait aux embarcations un gain de 12 km sur le trajet. Si le canal Saint-Denis est en majeure partie situé hors de Paris, le canal Saint-Martin traverse le 10e arrondissement de part en part : il constituait non seulement une voie de transport fluvial, mais aussi un embellissement pour la capitale. Commencés sous l’Empire, ses travaux s’achevèrent sous la Restauration, en 1825. Du bassin de la Villette à celui de l’Arsenal, avec un coude d’une longueur de 4,5 km pour contourner l’hôpital Saint-Louis, il nécessite neuf écluses pour racheter une dénivellation de 25 mètres. Primitivement à ciel ouvert, il présentait le grave inconvénient d’isoler de la ville tous les quartiers situés entre son tracé et les boulevards extérieurs ; sous le Second Empire, il fut voûté partiellement en amont de la place de la Bastille. La largeur du plan d’eau est de 27 mètres, sa profondeur de 2 mètres.


Caserne de la Nouvelle-France (82 Rue du Faubourg Poissonnière, 10e)

La première caserne de la Nouvelle-France fut achevée en 1773 par l’architecte-entrepreneur Claude-Martin Goupy pour les gardes-françaises, rebaptisées gardes-nationaux à la Révolution. Une légende sans fondement affirme qu’elle aurait hébergé Bernadotte, futur maréchal de France, puis roi de Suède sous le nom de Charles XIV. Cette caserne abrita des troupes d’infanterie jusqu’en 1914, et, après cette date, la garde républicaine qui l’occupe toujours. Vers 1930, elle fut détruite pour vétusté, et reconstruite par l’architecte Boegner. Les trophées d’armes de la porte d’entrée, adossés au pignon de la maison voisine, ont été conservés.


Conservatoire Hector Berlioz (6 Rue Pierre Bullet, 10e)

Pierre-Désiré Gouthière, né en 1732 à Bar-sur-Aube, vint tôt à Paris et devint l’élève du ciseleur-doreur François Ceriset dont il épousa la veuve. Il connut alors une vogue extraordinaire. Inventeur du procédé de la dorure au mat qui donnait à ses œuvres un éclat incomparable, il réalisait d’après les dessins d’architecte illustres comme Bélanger ou Ledoux des girandoles ou des bras-de-lumière très appréciés de Louis XVI, du duc d’Orléans ou de madame du Barry. A la Révolution, ses clients entraînèrent dans leur ruine l’artisan impayé. Cet hôtel, construit par Joseph Métivier, le perdit. Gouthière avait vu grand : le bâtiment visible aujourd’hui est une petite partie d’un vaste corps de logis comportant plusieurs boutiques. Incapable de faire face à ses créanciers, il mourut dans la misère en 1813. Derrière l’élégante façade à refends, dont la porte s’orne d’une lunette où deux figures féminines couronnent une divinité, surmontée d’une frise représentant le triomphe de Bacchus, les gypseries du décor intérieur subsistent en grande partie.   


Cour des Petites-Ecuries (17 Rue des Petites-Ecuries, 10e)

Le cour des Petites-Ecuries conserve le visage des anciens faubourgs de Paris. Dans la seconde moitié du XVIIIe siècle, elle était occupée par les remises, ateliers et écuries du roi, avec, en étage, les logements des palefreniers, carrossiers, doreurs, vernisseurs et selliers. Les Petites-Ecuries avaient en effet la charge du matériel et des voitures, les Grandes-Ecuries étaient consacrées aux chevaux. A l’angle nord-ouest se trouve la maison d’Aubert, sculpteur, peintre, doreur et vernisseur du roi, qui travaillait au décor des carrosses de la cour ; au n°5 s’élevait une chapelle aménagée pour les artisans. Le n°63 offre un décor unique à Paris de brasserie allemande des années 1910-1913, avec peintures sur cire : sur la frise, ses nains récoltent le houblon ou brassent la bière, tandis que Gambrinus vide une chope. Dès 1887 était apparu en ce lieu un dépôt de bière, puis, en 1901, une brasserie. En 1909, Floderer reprit les deux établissements pour fonder la célèbre brasserie Flo, déjà fréquentée par Léon Daudet. La cour des Petites-Ecuries avait à l’origine deux issues seulement : la troisième a été ouverte en 1819 sur la rue d’Enghien.


Couvent des Récollets (angle Rue du Faubourg Saint-Martin et Avenue de Verdun, 10e)

Les Récollets, issus à la fin du XVe siècle d’une réforme de l’ordre franciscain, s’appelaient initialement Frères mineurs de l’étroite observance de saint François ». Ils obtinrent d’Henri IV en 1604 la permission de s’installer dans une maison qui leur fut offerte à deux pas de l’église Saint-Laurent. La première pierre de leur couvent fut posée en 1619. Sous l’Ancien Régime, leur bibliothèque était très réputée. Fermé en 1790, le couvent fut transformé en 1802 en hospice des Incurables, puis, en 1861 en hôpital militaire. Il prit en 1913 le nom de Jean-Antoine Villemin (1827-1892), médecin des armées auteur de recherches sur la tuberculose. La situation de cet hôpital près des gares du Nord et de l’Est lui a valu une grande activité durant les deux guerres mondiales, et même encore pendant les opérations d’Algérie. La vétusté de ses équipements entraîna sa fermeture en 1968. Les bâtiments du couvent qui subsistent de nos jours datent du XVIIIe siècle. Façade, chapelle et escalier d’honneur sont classés.


Eglise Saint-Laurent (68 Boulevard de Magenta, 10e)

Bâtie à l’emplacement d’une basilique mérovingienne plusieurs fois reconstruite, l’église actuelle est un monument composite : clocher du XIIe siècle surélevé au XVIIIe siècle, cœur de 1429, nef élargie au XVe siècle. En 1621, l’architecte Lepautre éleva un beau portail classique, aujourd’hui détruit, et en 1712, on construisit derrière le chœur la chapelle de la Vierge, en forme de rotonde coiffée d’une coupole. De 1863 à 1867, la façade fut alignée sur le boulevard de Strasbourg récemment percé, en ajoutant deux travées, légèrement plus élevées que les autres ; le nouveau portail, orné d’une peinture sur lave émaillée de Balze, représente les principaux éléments de la vie de saint Laurent. Ces travaux furent exécutés sous la direction de Constant Dufeux.


Eglise Saint-Martin-des-Champs (36 Rue Albert Thomas, 10e)

Saint-Martin-des-Champs est l’une de ces églises construites sous le Second Empire pour faire face à l’extension de la population parisienne. Elle fut érigée à partir de 1854, grâce à une souscription ouverte parmi les habitants du quartier du Château d’Eau, et terminée en 1856. Bâtie sur les plans de Paul Gallois, architecte des hospices de la Ville de Paris, elle est de construction rudimentaire, en charpente et moellon ; l’édifice était alors considéré comme provisoire. En façade, les consoles soutenant l’archivolte, à décor de dents de scie et de feuillage, et le petit oculus orné d’une croix grecque sont les seuls ornements. Le petit clocher est un ajout de l’architecte Vaudry en 1933. A l’intérieur, des peintures de Villé retracent les principaux épisodes de la vie de saint Martin, et deux tableaux d’Henri Lerolle sont également consacrés au saint patron de l’église. L’orgue est l’œuvre de Cavaillé-Coll, et les stalles de chêne ont été exécutées en 1881 par Moisseron et André d’Angers. 


Eglise Saint-Vincent-de-Paul (angle Rues Lafayette et Bossuet, 10e)

Dédiée à saint Vincent de Paul, cette église domine le quartier où il a vécu et œuvré. Elle a été bâtie à partir de 1824 par Jean-Baptiste Lepère assisté de son gendre Hittorff, qui prit une part décisive au chantier. De plan basilical, elle évoque toutes les plus grandes réalisations de l’architecture religieuse sans en copier aucune. Au-dessus du portique, emprunté aux temples grecs, le fronton sculpté par Leboeuf-Nanteuil a pour sujet la glorification du saint entouré de figures symbolisant son action : un missionnaire, un galérien, des sœurs de la Charité se dévouant à des enfants ou à des malades. A l’intérieur, la frise peinte de 1848 à 1853 par Hippolyte Flandrin autour de la nef, entre les deux étages de colonnes, représente cent-soixante saints et saintes s’avançant vers le sanctuaire. Le décor de la chapelle de la Vierge, au chevet, une adjonction postérieure, est de William Bouguereau (1885-1889). Le Calvaire du maître-autel est de Rude.


Gare de l’Est (Place du 11 novembre 1918, 10e)

Construite de 1847 à 1849 par François Duquesney et Pierre Cabanel de Sermet, c’est la plus ancienne des gares parisiennes. Mais l’édifice initial, placé dans l’axe du boulevard de Strasbourg percé en 1852 pour lui donner accès, n’est plus, en raison des extensions successives, que l’aile gauche d’un vaste ensemble. En subsistent la colonnade, la demi-rosace, les pavillons néo-Renaissance et surtout le décor sculpté. Au sommet du fronton, la Ville de Strasbourg est l’œuvre du sculpteur Lemaire (1789-1880). L’horloge centrale est flanquée de deux représentations de la Seine et du Rhin, dues à Jean-Louis Brian (1805-1864). Dans le décor des chapiteaux de la colonnade, figurent les différents produits agricoles des régions traversées par le chemin de fer de l’Est.


Gare du Nord (18 Rue de Dunkerque, 10e)

Construite en 1845 par Reynaud sur un terrain de l’ancien enclos Saint-Lazare, la première gare du Nord eut la vie courte. Rapidement insuffisante, en raison de l’accroissement du trafic vers la banlieue, elle fut détruite quinze ans plus tard. Sa façade démontée pierre par pierre fut remontée à Lille, surmontée d’un étage et d’une tour d’horloge. L’édifice actuel fut construit de 1861 à 1864 par Jacques-Ignace Hittorff. Son décor sculpté, vingt-trois monumentales de villes françaises et étrangères (au fronton, Paris), est dû aux plus grands noms de la sculpture du Second Empire. Agrandie en 1898 en direction de la rue de Dunkerque, la gare du Nord a pu dès lors assurer, sans grande modification, un trafic sans cesse croissant. 


Gibet de Montfaucon (49 Rue de la Grange aux Belles, 10e)

Ici s’élevait le gibet de Montfaucon, érigé sous le règne de saint Louis à proximité de la route reliant Paris à Meaux. La première exécution marquante eut pour victime Pierre de la Brosse en 1276. Ce médecin et favori de Philippe le Hardi était accusé d’avoir empoisonné le fils aîné du roi. Au premier gibet, en bois, succéda en 1335 une construction en maçonnerie, par les soins de Pierre Rémy, trésorier des finances de Charles IV le Bel : il y fut lui-même pendu trois ans plus tard. Après la construction de l’hôpital Saint-Louis, le gibet tomba en désuétude. Il fut définitivement abattu en 1760. En 1954, les restes de deux piliers et des ossements furent mis au jour lors de travaux. 


Hôpital Fernand-Widal (200 Rue du Faubourg Saint-Denis)

L’hôpital Fernand-Widal occupe les locaux de la maison municipale de la santé construite en 1858 par Théodore Labrouste, architecte en chef des hôpitaux de Paris de 1845 à 1896, et frère d’Henri Labrouste, auteur de la Bibliothèque nationale. Le maître d’œuvre a recherché la symétrie et voulu donner à l’ensemble un aspect monumental. Comme à l’hôpital Lariboisière, les pavillons sont situés de part et d’autre d’une cour d’honneur, le long d’un axe qui relie l’entrée principale à la chapelle. Cette disposition témoignait des préoccupations sanitaires justifiées par les récentes épidémies de choléra. En 1897, Fernand Widal (1862-1929), le fondateur de la sérologie clinique, prend à 35 ans la direction d’un service, où il met au point la méthode de cytodiagnostic, destinée à déterminer si une pleurésie est d’origine infectieuse ou mécanique. Il quitte l’hôpital en 1902 pour devenir chef de service à Cochin, où il pose les règles du diagnostic des néphrites, encore appelées « test de Widal ». 


Hôpital Lariboisière (2 Rue Ambroise Paré, 10e)

La construction de l’hôpital Lariboisière fut décidée en 1839. les travaux, menés sous la direction de Pierre Gauthier, élève de Percier et membre de l’Institut, durèrent de 1846 à 1853. Avant même d’être achevé, il fut rebaptisé plusieurs fois : hôpital du Nord, hôpital Louis-Philippe, puis de la République en 1848, il prit finalement le nom d’Elisa Roy, fille d’un ancien ministre des finances, épouse du comte de La Riboisière : par un legs, elle avait permis l’achèvement des travaux. Sur un terrain de 52 000 mètres carrés, pris sur l’ancien clos Saint-Lazare, Gauthier a élevé, de part et d’autre d’une cour, deux séries parallèles de pavillons isolés de deux étages chacun, reliés par des promenoirs vitrés, dans le souci de distribuer largement l’air et la lumière dans tout l’établissement. A l’aplomb du portail d’entrée, au fond de la cour, s’élève la chapelle : sa façade s’orne des statues de la Charité, de l’Espérance et de la Foi, et elle renferme le tombeau de la comtesse de La Riboisière, par Charles Marochetti, sculpteur attitré de la famille d’Orléans. Le reste du décor est de Noël-Jules Girard, élève de David d’Angers.


Hôpital Saint-Louis (Face au 16 Avenue Claude Vellefaux, 10e)

La construction de l’hôpital Saint-Louis fut décidée par Henri IV en 1607. Initialement destiné aux malades de la peste, l’établissement fut placé sous le vocable de saint Louis, mort de cette maladie au retour de croisade. Claude Vellefaux, architecte de l’Hôtel-Dieu, dirigea les travaux, sur des plans de Claude Chastillon, ingénieur, ingénieur et architecte du roi. Autour d’une cour centrale carrée, s’agençaient quatre grands corps de bâtiments, flanqués au centre et aux angles de pavillons coiffés de hauts combles. L’isolement était total. Le vieil hôpital Saint-Louis reste l’une des belles constructions du XVIIe siècle à Paris ; les nouveaux bâtiments ont été édifiés de 1981 à 1984. 


Hôtel Benoît de Sainte-Paulle (30 Rue du Faubourg Poissonnière, 10e)

Bâti de 1773 à 1776 par Samson-Nicolas Lenoir sur un terrain provenant du couvent des Filles-Dieu, cet hôtel compte parmi ses possesseurs successifs Louise O’Murphy, un des modèles favoris de Boucher, et maîtresse de Louis XV dont elle eut une fille. Le portail encadré de colonnes à chapiteaux est pourvu d’un fronton triangulaire orné d’un casque empanaché, d’une épée et d’un rameau de laurier, allusion à la carrière de Benoît de Sainte-Paulle, militaire reconverti dans les affaires. Par une porte cochère voûtée à caissons, on accède à la cour, qui a gardé ses dispositions primitives, sa frise et ses niches, ainsi qu’au principal corps de logis dont l’avant-corps central forme péristyle.


Hôtel de Betterel-Quintin d’Aumont (42 Rue des Petites-Ecuries, 10e)

Ai fond de la cour se cache un des plus beaux vestiges de l’âge d’or du quartier Poissonnière, un hôtel construit en 1782 par un élève de Boullée, Pérard de Montreuil, pour Charles-André de la Corée, intendant de la province de Bourgogne. Le propriétaire suivant, le comte de Botterel-Quintin, fit construire la somptueuse salle à manger ovale éclairée par une coupole vitrée, au décor de marbre et stuc. L’architecture pourrait être de Bélanger, le décor de sphinx, animaux divers, vases de fleurs et de fruits de son beau-frère Dugoure, et la bacchanale du plafond de Prud’hon. Hormis cette salle, l’hôtel conserve un escalier aux peintures de style pompéien.


Hôtel de Bourrienne (58 Rue d’Hauteville, 10e)

Masqué sur la rue par une maison de rapport élevée au XIXe siècle ; l’hôtel de Bourrienne conserve un incomparable décor de l’époque Consulat, dont subsistent fort peu d’exemples. Bâti en 1787-1788 par Célestin-Joseph Happe, l’hôtel appartint de 1795 à 1798 à une célèbre « merveilleuse », Fortunée Hamelin, puis à Louis-Antoine Fauvelet de Bourrienne, ami intime et condisciple de Bonaparte à l’école de Brienne. Une façade très sobre, de style Directoire, sert d’écrin discret aux splendeurs de l’intérieur : salon d’hiver, salon, salle à manger, salle de bain, bureau témoignent d’un raffinement subtil dans leur décor antiquisant. La façade du jardin, décorée des renommées tenant des couronnes ou des palmes, est attribuée à un élève et Percier et Fontaine, Antoine-Chérubin Leconte, en collaboration avec son beau-frère, le sculpteur Lemot. Parmi ses propriétaires, cet hôtel compta à la fin du XIXe siècle Charles Tuleu de Berny : héritier de la fonderie de caractères typographiques fondée par Balzac, il installa son entreprise au fond du jardin.


Hôtel de Marmont (51 Rue de Paradis, 10e)

Bâti à partir de 1775 par Munster pour Louis-Angélique de Gouffé, marquis de Thoix, cet hôtel en deux corps de logis était primitivement élevé d’un rez-de-chaussée, d’un entresol et d’un étage de combles, à la Mansart. Il a malheureusement été surélevé vers 1930. Il passa ensuite entre les mains de Louis Perregaux, banquier du Comité de Salut public : sa fille unique, Hortense, épousa en 1798 l’aide de camps de Bonaparte, Marmont, futur duc de Raguse. Dans la nuit du 30 au 31 mars 1814, devant l’invasion du pays par les troupes de l’Autriche, de la Prusse, de la Russie et de la Suède, un armistice, signé par Marmont pour la France et par Michel Fédorovitch Orlof, adjudant major d’Alexandre 1er pour les Alliés, fut ratifié. Hortense Perregaux avait doté cet hôtel d’un décor conçu par Percier, qui subsiste en partie. Le salon où fut signé l’armistice conserve sa cheminée ornée de deux sphinx monopodes, et un autre salon, ses peintures marouflées du Premier Empire. L’hôtel fut ensuite la demeure d’Alexandre-Marie Aguado, marquis de Las Marismas, l’un des plus riches financiers du XIXe siècle.

Hôtel du Nord (100 Quai de Jemmapes, 10e)

L’Hôtel du Nord doit sa célébrité au roman homonyme d’Eugène Dabit (1898-1936) : il connut dès sa publication en 1929 un grand succès, et valut à son auteur, dont c’était la première œuvre, le Prix du roman populiste. C’est plutôt un recueil de nouvelles : un couple, les Lecouvreur, parvient à acheter grâce à un petit héritage un hôtel dont les locataires sont les héros d’une suite d’histoire vraisemblablement vécues. Eugène Dabit a dépeint le Paris populaire côtoyé durant son enfance dans cette pension de mariniers tenue par ses parents. Les héros sont des personnages déracinés, menant une existence difficile. Le seul lien entre eux est cet hôtel qui leur sert de havre ; exproprié à la fin du livre il tombe sous la pioche des démolisseurs. Malgré l’absence d’intrigue consistante, Marcel Carné a réussi à tirer de ce roman un film tumultueux et singulier. Sorti en 1938, il est aujourd’hui plus célèbre que le roman, grâce au travail du metteur en scène, aux dialogues d’Henri Jeanson, aux décors de Trauner, et à l’interprétation des acteurs, Louis Jouvet et Arletty en tête.


L’affaire de Fort Chabrol (face au 69 Rue de Chabrol, 10e)

L’affaire de Fort Chabrol peut être considérée comme une séquelle de l’affaire Dreyfus. Jules Guérin, un journaliste antidreyfusard qui allait être appréhendé pour complot contre la sûreté de l’Etat, s’enferma au siège de l’association qu’il avait créée, le « Grand Occident de France », au 51 de la rue Chabrol, avec une quarantaine de compagnons, le 13 août 1899. Le siège par les forces de l’ordre dura trente-huit jours. On dut détourner les omnibus, car des sympathisants, du haut de l’impériale, jetaient aux assiégés des ballots de vivres. On coupa l’eau, on surveilla les égouts. Finalement les assiégés durent se rendre le 20 septembre. Les compagnons de Guérin sortirent libres, mais lui-même fut déféré en haute cour et purgea dix ans de prison.


Le Wauxhall (4 Boulevard de Magenta, 10e)

La Cité du Wauxhall évoque le souvenir d’une construction éphémère, élevée en 1785 par les architectes Mellan et Moench. On désignait alors ainsi des jardins publics avec bals et concerts, dont la mode venait d’Angleterre. Ce Wauxhall était une sorte de vaste salon de danse de forme elliptique, communiquant par deux escaliers en fer à cheval avec un jardin destiné à accueillir des fêtes et des feux d’artifice. La décoration de ce lieu de plaisir employait toute une gamme néo-gothique inhabituelle pour l’époque. Le Wauxhall disparut en 1841, lors du percement de cette rue. Ce type de construction, faisant largement appel au bois, au stuc et à la toile peinte, ne pouvait d’ailleurs durer longtemps.


Magasins des Faïenceries Boulenger (18 Rue de Paradis, 10e)

L’ancien magasin des faïenceries de Choisy-le-Roi (maison Hippolyte Boulenger) fut construit vers 1900 par Jacottin. Il est entièrement orné de céramiques peintes formant une sorte de catalogue inaltérable de leur production. Sur la rue, la façade incrustée d’éléments de céramique semble celle d’un théâtre. A l’intérieur, subsistent le vestibule, la cour, la salle de réception de la clientèle, et, au premier étage, la grande verrière. Les compositions sont signées Arnoux et Guidetti. A.-J. Arnoux, qui dirigeait l’atelier de décoration des faïenceries de Choisy-le-Roi, s’est distingué par ses recherches sur la cuisson des émaux. De 1978 à 1991 ce bâtiment a hébergé le Musée de l’Affiche et la Publicité : dépendant de l’Union centrale des Arts décoratifs, il était destiné à présenter des expositions temporaires d’affiches anciennes ou contemporaines. Les collections ont aujourd’hui réintégré le Pavillon de Marsan.


Mairie du Xe Arrondissement (angle Rues du Fbg Saint-Martin et du Château d’Eau, 10e)

La première pierre de cet édifice fut posée le 10 janvier 1892, et il fut inauguré le 28 janvier 1896 en présence du président de la République, Félix Faure, natif de l’arrondissement : son père, fabricant de sièges, demeurait 65 rue du Faubourg Saint-Denis. Dû à l’architecte Eugène Rouyer, qui reçut ainsi une sorte de prix de consolation après avoir manqué de peu le concours pour la reconstruction de l’Hôtel de Ville, conçu lui aussi dans le style du XVIe siècle, le bâtiment se voulait somptueux, une œuvre d’art et une manifestation du génie français, intégrant tous les progrès de la science et de l’industrie. Les conquêtes de la technique se résument dans le comble métallique qui soutient les vitres du grand hall. Le décor néo-Renaissance évoque les activités de l’arrondissement à la fin du XIXe siècle : parfumerie et fleurs artificielles, orfèvrerie et serrurerie d’art, théâtre et transport par eau, horlogerie et ébénisterie, imprimerie et reliure, porcelaine et broderie.


Maison Fond (Gare du Nord, face au 17 Rue de Dunkerque, 10e)

Leandro Erlich (Buenos Aires, 1973) est un artiste argentin. Installée sur le parvis de la Gare du Nord, Maison fond a été inaugurée dans le cadre de Nuit Blanche, en partenariat avec Gares & Connexions, le 3 octobre 2015. L’architecture est depuis tout temps un symbole fort de la culture humaine, elle nous rappelle qui nous sommes et souvent ce que nous avons perdu. Comme une grande partie de l’œuvre de Leandro Erlich, cette œuvre résonne dans notre Inconscient, au travers d’un langage visuel onirique, et pointe du doigt un sujet de préoccupation urgent et actuel. L’artiste a choisi le titre pour sa correspondance phonétique avec « Mes enfants », qui vivront le futur que nous décidons aujourd’hui. A la fois frappante et accessible, celle installation touche à la réalité humaine de l’impermanence et aux dilemmes urgents et précis auxquels nous sommes confrontés. Cette installation accompagne – en marge de la Conférence-cadre des Nations unies sur les changements climatiques – la réflexion liée à ces enjeux.

C’est la dernière en date des « pelles Starck ». Si sa forme reproduit fidèlement le modèle dessiné par Philippe Starck, cette borne est conçue dans une matière moins noble et moins durable que l’ensemble des autres bornes, ce qui l’assimile plus à un « clin d’œil » ou à un hommage au concept de ces panneaux qu’à une véritable borne venue s’insérer dans le parc « officiel » des bornes.


Musée de Baccarat (30 Rue de Paradis, 10e)

Ici s’élevait au début du XIXe siècle un relais de poste pour les diligences de l’Est de la France. En 1831, la société Barbier, Launay et Cie, installée dans cet immeuble, fut choisie par les cristalleries de Baccarat et de Saint-Louis pour assurer la distribution de leurs produits. Les trésors du musée sont répartis entre Paris, New York et la Lorraine : études servant de référence aux ateliers de fabrication, modèles conservés à la suite de commandes de particuliers ou pièces réalisées à l’occasion des expositions universelles, tels le double d’une aiguière offerte à Charles X ou les candélabres à 79 bougies du Tsar Nicolas II, ou de fabuleuses collections de flacons à parfum et de sulfures.


Place de la République (Rue du Faugourg du Temple, angle Place de la République, 10e)

Cette place correspond au bastion de la porte du Temple dans l’enceinte de Charles V (XIVe siècle). Ornée en 1811 de la fontaine du Château d’Eau, elle prit sa physionomie actuelle sous le Second Empire, avec le percement du boulevard de Magenta et du boulevard du Prince-Eugène, aujourd’hui dédié à Voltaire. Gabriel Davioud, architecte de la Ville de Paris, construisit la caserne qui remplace l’ancien Wauxhall, et le diorama de Daguerre, ainsi que les Magasins réunis. En 1879, un concours, organisé pour l’installation d’un grand monument consacré à la République, fut remporté par les frères Morice, Léopold pour la statuaire et Charles pour le soubassement. La cérémonie d’inauguration eut lieu le 14 juillet 1883. 


Porte Saint-Denis (28 Boulevard Saint-Denis, 10e)

En 1670, Louis XIV décide de la destruction de l’enceinte de Charles V, pour faire place à une promenade plantée d’arbres, baptisée « boulevard », terme d’origine militaire. Conçue comme un arc de triomphe dédié aux victoires de Louis XIV en Hollande, la porte Saint-Denis est construite à partir de 1672 par François Blondel, architecte de la Ville de Paris. Le décor sculpté est de Michel Anguier. Du côté de la ville, le bas-relief au-dessus de l’arc central montre le passage du Rhin par l’armée française. A gauche, la Hollande est représentée sous l’aspect d’une femme accablée, à droite, le Rhin comme un dieu frappé de terreur. Au-dessus des portes piétonnes, l’inscription latine indique que Louis le Grand a, en soixante jours, passé le Rhin, le Waal, la Meuse et l’Elbe, conquis trois provinces et enlevé quarante places fortes. Du côté du faubourg, le bas relief représente le siège de Maastricht, l’une des villes les mieux fortifiées d’Europe, conquise en juin 1673. 


Porte Saint-Martin (96 Rue René Boulanger, 10e)

Bâtie à partir de 1674 par Pierre Bullet, élève de Blondel, plus massive et moins ornée que la porte Saint-Denis, la porte Saint-Martin s’inscrit dans un carré de 18 mètres de côté. Ses deux faces, percées de trois arcs, celui du centre deux fois plus haut que les arcs latéraux, sont ornées de bossages vermiculés. Au-dessus, un entablement est surmonté d’un attique. Surmontant les portes latérales, quatre bas-reliefs sont consacrés aux faits d’armes de Louis XIV en Franche-Comté. Sur le boulevard, la prise de Besançon et la rupture de la Triple Alliance, par Martin Van den Bogaert, dit Desjardins, et Gaspard Marsy, élève de Michel Anguier : Louis XIV apparaît terrassant un aigle, tandis que la Victoire le couronne de lauriers. Du côté du faubourg, la prise de Limbourg et la défaite des Allemands sont d’Etienne Lehongre et Pierre Legros. L’inscription latine de l’entablement rappelle que Louis XIV a pris deux fois Besançon et la Franche-Comté, écrasant les armées allemandes, espagnoles et hollandaises. 


Square Alban-Satragne (face au 112 Rue du Faubourg Saint-Denis, 10e)

Le square, créé en 1963 sur une partie de l’ancien enclos Saint-Lazare, porte le nom d’un ancien conseillé municipal du quartier (1887-1954). Un léproserie fut fondée ici au début du XIIe siècle. La protection royale en fit peu à peu le plus étendu des établissements religieux de Paris, vaste de cinquante hectares. En 1632, la lèpre avait depuis longtemps disparu : les bâtiments de Saint-Lazare furent donnés à Vincent de Paul pour en faire le siège de sa Mission, destinée à la formation du clergé et au soulagement des pauvres. Saccagée dès le 13 juillet 1789, la maison de Saint-Lazare devint une prison, où furent incarcérés André Chénier et Aimée de Coigny – la « jeune captive » - . Elle le resta jusqu’à sa disparition définitive en 1935.


Théâtre Antoine (14 Boulevard de Strasbourg, 10e)

Sur l’emplacement d’un café-concert, le « Grand Concert du XIXe siècle », s’éleva tout d’abord le théâtre des Menus-Plaisirs, construit par Lehmann, décoré par Robecki et dirigé par Gaspari. Inauguré en 1866, ce petit théâtre voué au vaudeville ne connut pas de succès fulgurants en dehors de « Geneviève de Brabant », opéra-bouffe d’Offenbach, et fut rapidement démoli. En 1881, lui succéda la Comédie parisienne de Marcel Delignières, elle-même peu prisée du public jusqu’en 1897 : la direction en est alors confiée à André Antoine, fondateur du Théâtre-Libre, découvreur de Porto-Riche, de Courteline et de Jules Renard. Il y continua la politique de jeunes auteurs commencée au Théâtre-Libre, puis en 1904 y monta le Roi Lear, initiative d’une grande audace sur le Boulevard. Il garda la direction de l’établissement jusqu’à sa nomination comme directeur de l’Odéon, en 1906. ce créateur de la mise en scène moderne exigeait de ses acteurs un jeu naturel, balayant les conventions théâtrales de son temps ; André Antoine mourut en 1943, à 86 ans. 


Théâtre de la Porte Saint-Martin (18 Boulevard Saint-Martin, 10e)

Ce théâtre s’élève sur l’emplacement d’un ancien cimetière des protestants étrangers. En 1781, après l’incendie de l’Opéra du Palais-Royal (8 juin) qui privait Paris d’une salle de spectacle, l’architecte Samson-Nicolas Lenoir, dit Lenoir le Romain, bâtit ici, en soixante-cinq jours, une salle provisoire. Les travaux commencèrent le 2 août et furent menés nuit et jour avec une célérité inconnue jusque là. Le 27 octobre, il put ouvrir une salle de 1800 places (la première à offrir des sièges au parterre), avec une représentation gratuite en l’honneur de la naissance du Dauphin, ce qui permit de vaincre l’appréhension du public. Cette salle, construite en charpente dans une cage de maçonnerie, aurait dû être rapidement remplacée par un bâtiment définitif : elle subsista en fait près d’un siècle, jusqu’à son incendie par la Commune en 1871. Elle a connu des heures de gloire avec des acteurs tels que Frédérick Lemaître dit le « Talma du boulevard », Marie Dorval ou Mlle Georges. Construit sur les plans de Chardonnière et Bonnet,le nouveau théâtre ouvrit ses portes en 1873. En 1897, Edmond Rostand y remporta un triomphe historique avec son Cyrano de Bergerac.


Théâtre de la Renaissance (20 Boulevard Saint-Martin, 10e)

Ce théâtre fut installé en 1872 à l’emplacement du célèbre restaurant Deffieux anéanti par les incendies de la Commune. Sa façade est ornée de cariatides dues au ciseau de Carrier-Belleuse. Inauguré en 1873 sous la direction d’Hippolyte Hostein, il fut d’abord consacré au drame puis aux opérettes, sous la direction de Victor Koning (la Jolie parfumeuse, Giroflée-Girofla). Il revint dès 1874 à sa première vocation sous la direction de Fernand Samuel avec le chef-d’œuvre d’Henry Becque : La Parisienne. Ce fut ensuite, avec Sarah Bernhardt, Lorenzaccio de Musset et la samaritaine de Rostand. En 1902, Lucien Guitry s’y installa et débuta par un coup de maître avec la Châtelaine d’Alfred Capus.

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire

Vos observations sont les bienvenues