VINGTIEME ARRONDISSEMENT
Allée de Madame (angle Rue des Orteaux et Rue des Pyrénées, 20e)
Le tracé de la rue des Orteaux suit celui de « l’allée
de Madame ». La duchesse d’Orléans, fille de Louis XIV et de Madame de
Montespan, elle-même épouse du Régent, avait en effet fait planter, au milieu
des vignobles de Charonne, une splendide allée bordée d’une double rangée
d’arbres, pour se rendre plus confortablement de Paris à son château de
Bagnolet. Celui-ci, qu’elle avait acquis en 1719, était entouré d’un vaste parc
dont une partie se trouvait sur le territoire de l’actuel XXe arrondissement.
La duchesse d’Orléans l’avais fait agrémenter de pavillons ou
« folies », dont subsiste encore le curieux Pavillon de l’Ermitage
(148, rue de Bagnolet).
Anciennes carrières à plâtre (15 Rue des Plâtrières, 20e)
Belleville fut longtemps réputée pour l’exploitation de la
pierre à plâtre. Le plâtre est produit par la calcination et le broyage du
gypse, dont le sous-sol de la colline est particulièrement riche. Elle fut très
tôt exploitée, sans doute dès le haut Moyen Age, et l’extraction se fit d’abord
à ciel ouvert. Le développement de l’urbanisme parisien au XVIIIe siècle
provoque une recrudescence de l’activité souterraine des carriers, qui
creusèrent de plus en plus, sans souci de sécurité publique. Un grave
effondrement, survenu en 1778 rue de Ménilmontant, fit sept victimes et
entraîna l’interdiction de toute exploitation souterraine dans les plâtrières
de Belleville, Ménilmontant, Charonne et Bagnolet. La dernière carrière, celle
du Père Rousset, située en bordure du boulevard Mortier, cessa ses activités
vers 1880.
Barrière de Belleville (4 Boulevard de Belleville, 20e)
Ici s’ouvrait la Barrière de Belleville, un des pavillons d’entrée
dans le Mur des Fermiers généraux. Afin de mieux percevoir les impôts indirects
sur les biens de consommation courante (alcool, tabac, denrées alimentaires,
bois, etc.), la Ferme générale décida en 1783 d’édifier tout autour de la
capital un mur haut de trois mètres, long de 24 km, percé seulement de 60
portes ou « barrières », destinées à percevoir les droits d’octroi. Ce
procédé, imaginé pour combattre la fraude, provoqua un grave mécontentement des
Parisiens : « le mur murant Paris rend Paris murmurant ». Sa
construction fut confiée à l’architecte Claude-Nicolas Ledoux (1736-1806), qui
réalisa une œuvre imposante dont seules subsistent aujourd’hui les rotondes de
Monceau et de la Villette et les barrières de Denfert et de la Nation. Le
succès des cabarets bellevillois était en partie dû à leur situation hors du
mur : le vin, non soumis aux taxes, y était en effet moins cher qu’à
Paris.
Boulevard Mortier (angle Boulevard Mortier et Avenue de la Porte de
Bagnolet, 20e)
Le boulevard Mortier, comme l’ensemble des « boulevards
des maréchaux » qui ceinturent Paris, est construit sur le tracé du chemin
de ronde intérieur de l’enceinte fortifiée de Thiers. Afin d’écarter tout
nouveau risque d’invasion, Louis-Philippe décida de transformer Paris en place
forte. Construite de 1841 à 1844, la nouvelle enceinte fortifiée était
constituée par un mur en pierre de taille et meulières, long de 30 kilomètres, percé
de 52 entrées, protégé par un fossélarge de 15 mètres, et renforcé
par 16 ouvrages avancés destinés à en défendre les abords. Elle était entourée
d’une zone non aedificandi d’une largeur de 200 mètres environ.
Démolie à partie de 1919, l’enceinte de Thiers fit place à des habitations à
caractère social (les HBM), tandis que l’ancienne zone extérieure, longtemps
refuge d’une population marginale, est maintenant occupée par le boulevard
périphérique de Paris.
Cabaret du Pistolet (45 Rue des Couronnes, 20e)
Nous situons ici le Cabaret du Pistolet, où fut arrêté, le
20 octobre 1721, le célèbre bandit Cartouche. Louis-Dominique Bourguignon, dit
Cartouche (1663-1721), défraya la chronique judiciaire sous la Régence. Après
avoir terrorisé Paris et sa banlieue près de dix ans par ses vols et ses
méfaits, commis en toute impunité apparente, il avait trouvé refuge dans ce
cabaret louche, proche de la barrière de Belleville. Surpris dans sons sommeil
par les sergents du Guet, jugé et condamné à mort, Cartouche fut roué vif en
place de Grève, devant l’Hôtel de Ville, le 28 novembre 1721. Sa vie aventureuse
inspira nombre de chansons, pièces et de théâtre et récits, qui connurent un
grand succès populaire.
Casque d’Or (Rue des Pyrénées, angle Rue de Bagnolet,
20e)
Le 9 janvier 1902, un fiacre, pris en chasse depuis
l’hôpital Tenon par une bande de voyous, est attaqué ici, en plein après-midi.
Après la fusillade, on releva plusieurs blessés. Ainsi commence l’affaire
Casque d’Or. Immortalisée depuis par le film de Jacques Becker et la beauté de
Simone Signoret, l’histoire d’Amélie Hélie, petite « Vénus de
barrière » à l’opulente chevelure rousse, dont deux chefs de bandes
« apaches », Leca et Manda, se disputaient les faveurs avec violence,
fit déjà grand bruit à l’époque. Elle conféra une notoriété tapageuse à son
héroïne : Casque d’Or connut les honneurs de la scène parisienne, où elle
joua son propre rôle, avant d’écrire ses mémoires.
Catastrophe du 10 Août 1903 (62
Boulevard de Belleville, 20e)
Le métropolitain parisien, encore tout neuf, connut ici,
entre les stations Couronnes et Ménilmontant, la première catastrophe de son
histoire, le 10 août 1903. A
l’époque, les wagons étaient en bois ; ce soir-là, un train prit feu après
un court-circuit électrique. Les voyageurs, trompés par l’obscurité et la
fumée, se bousculèrent pour gagner les sorties ; asphyxiés ou étouffés
contre les murs où ils croyaient trouver une issue, il y eut 84 morts. Cette
tragédie frappa très vivement l’opinion publique, tant en France qu’à
l’étranger. Elle provoqua une réorganisation des normes de sécurité, avec l’installation
d’un éclairage de secours indépendant de celui des souterrains et des stations,
la création de postes d’incendie dans chaque station, et le remplacement des
bancs d’attente par des banquettes fixes.
Château de Ménilmontant (128 Rue Pelleport, 20e)
Le château de Ménilmontant et son parc, propriété de la
famille Le Peletier de Saint-Fargeau de 1695 aux premières années du XIXe
siècle, occupaient un vaste périmètre délimité par les rues de Romainville,
Pelleport, du Surmelin, des Glaïeuls et des Fougères. Louis-Michel Le Peletier
de Saint-Fargeau, né en 1760, député aux Etats généraux de 1789, membre de la
Convention nationale, fut assassiné le 20janvier 1793 pour avoir voté la mort
du roi sans appel ni sursis. Déclaré « martyr de la liberté », cet
auteur d’un projet éducatif d’inspiration spartiate, destiné à forger l’homme
nouveau, eût sans doute apprécié de voir sa fille adoptée par la Nation, en
témoignage de la reconnaissance publique. En juillet 1793, Claude Chappe fit
dans le parc les premières expérimentations de son système de télégraphie
optique.
Cimetière de Belleville (260 Rue de Belleville, 20e)
A 128
mètres d’altitude, le cimetière de Belleville est le
point culminant de l’Est parisien. Ouvert en 1804 sur des terrains provenant du
domaine de la famille Le Peletier de Saint-Fargeau, ce fut d’abord le cimetière
communal de l’ancien village de Belleville, rattaché à Paris en 1860. Parmi les
sépultures les plus notables, citons celles de Léon Gaumont, de Monseigneur
Maillet, fondateur de la chorale des Petits Chanteurs à la croix de bois, et
d’une stèle commémorative à la mémoire des otages de la rue Haxo. A cause de sa
situation géographique, il fut choisi par Claude Chappe pour y installer son
télégraphe optique, expérimenté pour la première fois à cet endroit en
1792-1793. La première ligne installée reliait Paris à Lille, et la première
dépêche officielle annonça, le 28 thermidor an II (15 août 1794), la reddition
de la place forte du Quesnoy.
Cimetière du Père-Lachaise (Bd de Ménilmontant,
entrée principale du cimetière, 20e)
Le cimetière du Père-Lachaise ou de l’Est est ouvert, depuis
1804, sur le domaine de Montlouis qui appartenait au XVIIe siècle aux Jésuites
et auquel François de La Chaise, confesseur de Louis XIV, laissa son nom. A la
suite de l’arrêté du 2 ventôse an IX (21 février 1801)qui interdit, pour des
raisons de salubrité publique, l’existence de cimetières au cœur des villes, il
fut décidé de créer, pour l’Est parisien, une grande nécropole sur la colline
de Montlouis. Aménagé par l’architecte Brongniart comme un « cimetière
modèle » et inauguré en 1804, il suscite rapidement un grand engouement
mondain. Nombreux furent les Parisiens, illustres ou tout simplement fortunés,
qui y rivalisèrent de faste et on peut à juste titre voir dans le cimetière du
Père-Lachaise un musée de l’art funéraire. Le cimetière fut le théâtre de
sanglants combats en mai 1871 ; le Mur des Fédérés perpétue le souvenir
des derniers combattants de la Commune de Paris qui y trouvèrent la mort, dans
les dernières heures de la Semaine Sanglante.
Eglise Notre-Dame de la Croix (2 bis Rue
Julien Lacroix, 20e)
L’église Notre-Dame de la Croix fut construite de 1863 à
1872, pour remplacer une modeste chapelle en bois édifiée en 1823, 6, rue de la
Mare, et faire face à l’augmentation de la population du hameau de
Ménilmontant. Comme beaucoup d’églises parisiennes (Saint-Eustache,
Saint-Germain L’Auxerrois, Saint-Séverin, Saint-Sulpice, Saint-Ambroise, etc.),
elle abrita, pendant la Commune de Paris, un club révolutionnaire. C’est là
qu’on vota, le 6 mai 1871, la condamnation de l’archevêque de Paris,
Monseigneur Darboy, et des autres otages fusillés avec lui à la prison de la
Roquette, le 24 mai 1871.
Eglise Saint-Germain de Charonne (face au 118 Rue de Bagnolet,
20e)
Selon la légende, vers 430, saint Germain, alors évêque
d’Auxerre, aurait rencontré sur les coteaux de Charonne une jeune fille de
Nanterre, la future patronne de Paris sainte Geneviève. En souvenir, les
habitants du lieu auraient édifié un petit oratoire ; sur son emplacement
s’élève l’actuelle église Saint-Germain de Charonne, qui allie harmonieusement
quelques vestiges du XIIe siècle (gros pilier de la tour) à une architecture
élégante, des XVe et XVIIIe siècles pour l’essentiel. Avant 1860, date de son
rattachement à Paris, elle fut l’église paroissiale de l’ancien village de
Charonne dont elle constituait le cœur, avec la rue Saint-Blaise. Aujourd’hui,
elle reste bordée de son ancien cimetière, qui abrite, entre autres, la sépulture
de Bègue Magloire, « peintre en bâtiments, patriote, poète, philosophe et
secrétaire e Monsieur de Robespierre ».
Hôpital Tenon (4 Rue de la Chine, 20e)
L’hôpital Tenon fut d’abord l’ancien hôpital de
Ménilmontant. Inauguré le 20 novembre 1878, il reçut son nom actuel en 1879, en
hommage au médecin et chirurgien français, Jacques Tenon (1724-1816),
particulièrement intéressé à la réforme de l’organisation hospitalière de Paris
sous l’Ancien Régime. Parmi les malades, anonymes et illustres, le poète Paul
Verlaine (1844-1896) y fut hospitalisé à plusieurs reprises, dans les dernières
années de sa vie.
La Bellevilloise (21 Rue Boyer, 20e)
« La Bellevilloise », société coopérative de
consommation fondée ici en 1877 par des ouvriers mécaniciens, avait pour devise
« Achat direct au producteur, vente directe au consommateur ». Outre
la vente à prix modéré de produits de consommation courante (alimentation
générale, viande, charbon, quincaillerie, nouveautés) grâce à un réseau serré
de centres de distribution établis dans les différents quartiers, elle
proposait aux coopérateurs des activités sociales : un café, un patronage
laïque pour les enfants, une bibliothèque, une fanfare (« La Symphonie de
la Bellevilloise »), une caisse de solidarité. Elle connut un succès
rapide, regroupant jusqu’à 9 000 sociétaires en 1912. Inspirée par les
principes du coopératisme proudhonien, elle ouvrit en 1910, rue Boyer, une
« Maison du Peuple » qui accueillit dès cet instant les
rassemblements ouvriers.
La Campagne à Paris (1 Rue Géo Chavez, 20e)
Délimitée par les rues du Capitaine Ferber, Léo Chavez et le
boulevard Mortier, « la Campagne à Paris » est un charmant ensemble
pavillonnaire, créé pour faire face à la crise du logement des années 1920. En
1906, à l’initiative de quelques particuliers qui mirent à profit les récentes
lois sur les habitations à bon marché, se constitua une société coopérative de
construction. Après bien des vicissitudes dues à la Première Guerre mondiale et
aux difficultés économiques, « la Campagne à Paris » était inaugurée
le 20 juin 1926. elle est édifiée sur l’emplacement de l’une des dernières
carrières de plâtre du XXe arrondissement, la « carrière du Père
Rousset », qui cessa ses activités vers 1880 et fur ensuite transformée en
décharge.
Lac de Saint-Fargeau (298 Rue de Belleville, 20e)
A cet emplacement se trouvait, au XIXe siècle, le cabaret du
Lac Saint-Fargeau, ouvert en 1859 sur une ancienne carrière de sable que son
ingénieux propriétaire avait eu l’idée de remplir d’eau et d’agrémenter d’une
île artificielle. Il connut jusqu’à la Première Guerre mondiale un grand
succès : on y dégustait le vin suret de Belleville, on y dansait, on y
canotait, on y pêchait même. Pour mieux attirer la clientèle parisienne, la
patron du Lac Saint-Fargeau obtint de la Compagnie des Omnibus que la ligne de
Belleville à Paris eût son terminus devant son établissement ; c’était la
ligne « Arts-et-Métiers - Lac Saint-Fargeau », préfiguration de
l’actuelle ligne 11 du métro.
La Courtille (6 Rue de Belleville, 20e)
La culture, fort ancienne, de la vigne sur les hauteurs de
Belleville produisait un petit vin, dit « guinguet », que les
Parisiens se plaisaient à venir déguster : de nombreux cabarets
prospéraient aux abords des postes d’octroi. Déjà la mode sous l’Ancien Régime,
la Courtille connut une nouvelle heure de gloire au XIXe siècle, avec des
guinguettes aux noms pittoresques et évocateurs : le Salon de Flore, le
Petit Chaume, la Puce qui saute, le Bal Sauvage, etc. L’attraction principale en
était, à l’aube du Mercredi des Cendres, la « Descente de la
Courtille » : après une nuit de festivités et de ripailles à
Belleville, le flot tumultueux des fêtards, masqués pour la plupart, rentrait
dans Paris. Vers 1830, un des héros de cette fête fut le célèbre Mylord
l’Arsouille, qui amusait l’opinion de ses excentricités.
La Goutte de Lait de Belleville (126 Boulevard de Belleville, 20e)
Ici a été créé en 1894 un dispensaire appelé « la
goutte de lait de Belleville », par le docteur Gaston Variot (Demigny,
Saône-et-Loire, 1885- Paris, 1930), l’un des pionniers de la puériculture,
collaborateur de Louis Pasteur. Médecin des hôpitaux en 1889, il se spécialise
dans les soins infantiles, fonde l’école de puériculture des Enfants Assistés
et publie un traité d’hygiène infantile. Grâce à des généreux donateurs et à
une subvention de la Ville de Paris, il fait transformer un ancien gymnase par
l’architecte Claveau pour y installer ce dispensaire, et y distribue les
premiers biberons de lait pasteurisé afin de diffuser ce nouveau procédé. Son
but est de créer des centres maternels proposant des consultations et des dons
de lait stérile, afin de protéger la santé des jeunes enfants. Ce bâtiment
abrite aujourd’hui le Centre Elisabeth, une autre association sociale qui
officie dans le domaine de l’information et de l’accueil familial.
La Taverne Desnoyez (10 Rue de Belleville, 20e)
Le Bal Desnoyez pouvait accueillir ici jusqu’à 2000
personnes, et connut au XIXe siècle « une gloire universelle ». A son
propos, ne chantait-on pas : « Ce n’est que chez Desnoyez Nos amis à
la Courtille Ce n’est que chez Desnoyez Que l’on peut bien danser ». Bals
et cabarets furent aussi des salles de réunions politiques, très populaires à
la fin du XIXe siècle. Ainsi, Gambetta y exposa en 1869 son fameux
« Programme de Belleville ». L’atmosphère de ces rencontres était
souvent surchauffée, orateurs et public s’empoignait à l’envi, sans hésiter, le
cas échéant, à faire le coup de poing. Les salles les plus célèbres furent la
salle Favier (13, rue de Belleville) et la salle Graffart (128, boulevard de
Ménilmontant).
Les Saint-Simoniens (145 Rue de Ménilmontant, 20e)
Ici se trouvait la propriété occupée en 1832 par un groupe
d’adeptes du saint-simonisme regroupés sous l’autorité de Prosper Enfantin, dit
le Père Enfantin (1796-1864). Le comte de Saint-Simon (1760-1825) fut l’un des
précurseurs de la philosophie positiviste et de la science sociale ; il
prônait l’avènement d’une société industrielle, gérée par les producteurs, où
s’harmonisaient spontanément les intérêts des chefs d’entreprise et des
ouvriers. A Ménilmontant, les saint-simoniens, habillés d’un pantalon blanc,
d’un gilet rouge et d’une tunique violette, vivaient une vie communautaire et
fraternelle, et se livraient aux travaux manuels en chantant des cantiques. Le
dimanche, ils recevaient la visite de nombreux curieux amusés par leurs
extravagances. La communauté se sépara rapidement pour des raisons financières,
et la maison fut mise en vente en 1835.
Les Sources de Belleville (angle Rue des Cascades et Rue Levert, 20e)
Le nom de rue des Cascades, comme celui de la rue des
Rigoles, des Savies et de la Mare, évoque les sources autrefois nombreuses sur
le territoire de Belleville. Les abbayes parisiennes qui y possédaient des
terres (prieuré de Saint-Lazare, abbaye de Saint-Martin des Champs, Commanderie
du Temple, etc.), organisèrent très tôt un réseau compliqué d’aqueducs afin de
capter ces eaux à leur usage. A cette époque, l’approvisionnement de Paris
était essentiellement assuré par la Seine et par quelques puits privés, souvent
peu salubres. Les « regards », petits bâtiments destinés à protéger
les sources, sont les derniers vestiges conservés de ces travaux ;
subsistent encore aujourd’hui le regard des Messiers (17, rue des Cascades),
celui de Saint-Martin (au 40-42 de la même rue) et le regard de la Roquette
(36, rue de la Mare).
Le télégraphe Chappe (40 Rue du télégraphe, 20e)
Claude Chappe choisit ce point culminant de la région Est de
Paris (128 mètres
d’altitude) pour installer son télégraphe optique. Une première tentative
échoua en septembre 1792 : croyant qu’il voulait communiquer avec Louis
XVI, alors enfermé au Temple, les Bellevillois incendièrent ses installations.
Les premières expérimentations eurent lieu en juillet 1793, en présence des
conventionnels Lakanal et Arbogast ; elles permirent de transmettre un
message de Belleville à Saint-Martin du Tertre, près de Pontoise, en 11
minutes. Dès le mois d’août 1794, la liaison fut établie entre Paris et Lille :
les dépêches parcouraient désormais cette distance en 3 heures alors que 3
jours étaient auparavant nécessaires.
Ligue de la Régénération Humaine (27 Rue de la Duée, 20e)
De 1902 à 1908, cet immeuble fut le siège de la Ligue de la
Régénération humaine, première organisation néo-malthusienne française. Fondée
en 1896 par Paul Robin (1837-1912), membre de la première Association
internationale des Travailleurs et pionnier en France de l’éducation intégrale,
la Ligue de la Régénération humaine se donna pour mission de convaincre les
classes populaires qu’elles avaient tout intérêt, pour leur survie économique
et pour lutter contre l’oppression sociale dont elles étaient l’objet, à
limiter volontairement le nombre de leurs enfants. Elle travaillait, notamment
par des conférences publiques et des brochures, à populariser les méthodes
contraceptives. Dissoute en 1908, la Ligue de la Régénération humaine fit place
au groupe de « Génération consciente » d’Eugène Humbert ;
celui-ci continua son action jusqu’à la promulgation de la loi de 1920, qui
interdit toute propagande anticonceptionnelle.
L’Ile d’Amour (10 Rue du Jourdain, 20e)
L’ancienne mairie de Belleville fut aussi la première mairie
du XXe arrondissement après l’annexion de cette commune à Paris en 1860. Elle
avait été installée en 1847 dans une ancienne guinguette appelée « L’Ile
d’Amour », qui tirait son enseigne fort suggestive du nom de son
propriétaire : un certain M. Damours ! Avec ses charmilles, ses
bosquets et son décor de cabaret, le lieu invitait plus au divertissement qu’il
n’évoquait la pompe municipale. Qu’on en juge : « Un escalier
d’orchestre ou de soupente ; à la justice de paix de prétendues colonnes
grecques comme dans les bals publics d’autrefois ; de-ci de-là dans les
angles des nœuds d’amour gravés dans la muraille, que le badigeon n’a pas
suffisamment dissimulés, des cœurs enflammés que perce une flèche
symbolique… »
Mairie du vingtième arrondissement (44 Avenue
Gambetta, 20e)
Construite entre 1867 et 1877 par l’architecte
Claude-Augustin Salleron, la Mairie du XXe arrondissement est un édifice de
style Renaissance , imposant mais élégant, surmonté d’un campanile. Elle
renferme, dans la Salle des Mariages, d’intéressantes fresques du peintre Léon
Glaize (1842-1932), qui illustrent les thèmes suivants fort à l’honneur à la
fin du XIXe siècle : « Le triomphe de la République » (1891),
« Les Grands Hommes de la Révolution devant le Tribunal de la
Postérité » (1880), « Le Mariage ». Plus récente, une sculpture
en haut relief signée Paul Belmondo, « Le Baiser », orne l’escalier
d’honneur.
Maison de Nicolas Carré De Baudoin (121 Rue de Ménilmontant, 20e)
Cet élégant pavillon, construit en 1770 pour Nicolas Carré
de Baudoin, dans un style monumental, évoque les célèbres villas de
l’architecte italien Palladio (1508-1580). C’est un témoin superbe (et
aujourd’hui unique) des maisons de campagne ou « folies » édifiées au
XVIIIe siècle pour le repos des aristocrates et bourgeois enrichis. Il abrita,
au XIXe siècle, un pensionnat de jeunes filles, puis un orphelinat destiné aux
enfants des victimes du choléra.
Patronage Saint-Pierre (15 Rue du Retrait, 20e)
Le patronage Saint-Pierre a été créé en 1877 par des membres
des conférences Saint-Vincent-de-Paul et était d’abord installé au 29, rue du
Retrait. En 1834, il est pris en charge par les pères Salésiens (qui se
réfèrent à saint François de Sales), ordre fondé par Don Bosco. Un théâtre est
installé qui donne sa première représentation en 1886. Le patronage achète son
terrain actuel en 1922 et les travaux de construction commencent en 1927.
L’église Saint-Jean-Bosco a été réalisée par l’architecte Rotter de 1933 à
1937. La vie du patronage pendant la première moitié du XXe siècle est marquée
par l’action du père Dhuit, resté plus de quarante ans en fonction. Le théâtre
présente chaque année depuis 1932 la pièce « La passion à
Ménilmontant ».
Pavillon de l’Ermitage (148 Rue de Bagnolet, 20e)
Edifié par l’architecte Serin vers 1735, le Pavillon de
l’Ermitage est aujourd’hui le seul vestige de l’immense parc du château de
Bagnolet, dont une partie se trouvait sur le territoire de l’actuel XXe
arrondissement en bordure de la rue de Bagnolet. En 1719, la duchesse
d’Orléans, épouse du Régent et fille de Louis XIV et de Madame de Montespan,
acquiert le château et fait agrémenter le parc de pavillons de repos appelés
« folies ». Sous la Révolution, ce Pavillon appartient au baron de
Batz compromis, en 1793, dans une infructueuse tentative d’évasion du roi. Le
Pavillon de l’Ermitage ne doit pas ce nom à sa situation isolée, mais à son
décor intérieur de peintures murales, qui représentent des ermites en
méditation.
Place des Grès (44 Rue Saint-Blaise, 20e)
La place des Grès constitue, avec la rue Saint-Blaise et
l’église Saint-Germain, le cœur historique de l’ancien village de Charonne,
rattaché à Paris en 1860 pour former, avec la commune de Belleville, le XXe
arrondissement. Sous l’Ancien Régime, ici se trouvaient le poteau de justice et
le carcan d’infamie des seigneurs de Charonne, où les coupables de vols,
tromperies et autres délits mineurs étaient exposés aux moqueries et aux
quolibets de la foule. En revanche, les fourches patibulaires,le gibet où l’on
pendait les grands criminels, se dressaient plus au nord, rue de la Justice.
Plus récemment, la place des grès fut transformée en dépôt de pavés, d’où son
nom.
Rue des Vignoles (angle Rue des Vignoles et Rue des Orteaux, 20e)
Ce joli nom évoque la culture de la vigne, autrefois une des
activités principale des habitants de l’actuel XXe arrondissement et, tout
particulièrement, du coteau de Charonne prédisposé à la viticulture par son
exposition et la composition de son sol. Les grandes abbayes parisiennes y
possédèrent très tôt vignes et pressoirs, qui leur procuraient le vin
nécessaire à la célébration de la messe. Plus tard, ces coteaux produisirent un
vin aigrelet, appelé « guinguet » (d’où la désignation des lieux où
on le buvait comme « guinguettes »), fort prisé des Parisiens qui
venaient le déguster entre amis, le dimanche, dans les cabarets de la
Courtille, de Ménilmontant et de Charonne.
Rue Saint-Blaise (2 Rue Saint-Blaise, 20e)
Anciennement dénommée « grande rue
Saint-Germain », la rue Saint-Blaise «était la rue principale de l’ancien
village de Charonne, rattachée à Paris
en 1860. Bourgeois et aristocrates de la capitale y mettaient volontiers leurs
enfants en nourrice et s’y faisaient construite des demeures de plaisance. Si
ces dernières n’ont pas résisté à l’urbanisme moderne, la rue Saint-Blaise a
conservé son aspect d’antan. Au n°2, se trouvait un élégant hôtel construit
entre cour et jardin par l’architecte Jacques-François Blondel (1706-1774),
l’un des créateurs du style Louis XVI. Le Camus de Mézières, architecte de
l’hôtel de Beauvau (actuel ministère de l’Intérieur) et de la Halle aux blés de
Paris, possédait une belle maison champêtre au n°5. Enfin, au n°26, débouchait
l’impasse des Deux-Portes où, vers 1780, Fouquier-Tinville louait, dit-on, une
maison de campagne.
Taverne du Bagne de Maxime Lisbonne (12 Rue de Belleville, 20e)
La Taverne du Bagne et des Ratapoils fut ouverte ici, en
1884, par un ancien membre de la Commune de Paris, Maxime Lisbonne, à son
retour de déportation en Nouvelle-Calédonie. « Elle avait, écrit un
contemporain, la prétention de représenter exactement une des casernes de
Nouméa. On eût dit d’une prison. Au-dessus de la porte, une lanterne rouge. Sur
la toiture, à droite et à gauche, deux canons ». On ne sortait de
l’étrange établissement qui était resté « la gloire de Lisbonne »
qu’à l’aide de ce carton vert ou jaune :
CERTIFICAT DE
LBERATION
Le Condamné a
consommé et s’est bien
Conduit
Le Directeur M.
Lisbonne
« A l’intérieur, qui était d’un minable à faire fuir,
mais dans lequel on s’empilait, le service était confié à des forçats, ayant
tous au pied une chaîne se terminant par un boulet. Seulement le boulet était creux, s’accrochait à la
ceinture, s’ouvrait et contenait une serviette avec laquelle on essuyait les
tables. Là, le bock s’appelait un boulet ».
Théâtre de Belleville (48 Rue de Belleville, 20e)
Le Théâtre de Belleville fut l’un des hauts lieux de la
culture bellevilloise jusqu’à la dernière guerre. Au début du XIXe siècle, pour
les récompenser d’avoir révélé le lieu où avaient été ensevelies les dépouilles
de Louis XVI et de Marie-Antoinette après leur exécution, les frères Seveste se
virent octroyer par Louis XVIII le privilège d’exploiter les théâtres de la
banlieue de Paris. Le Théâtre de Belleville ouvrit donc ses portes le 25
octobre 1828, et présenta au public nombre de comédies et de drames à succès.
De grands acteurs, comme Mélingue, Lacressonnière, Brasseur, y firent leurs
premières armes. Accidentellement détruit par un incendie en décembre 1867, il
fut reconstruit à l’identique, et rouvrit en septembre 1868. En 1932 le théâtre
fut rasé puis reconstruit au rez-de-chaussée de l’immeuble de huit étages situé
au fond de la Cour Lesage. Le rideau de scène y retomba définitivement en 1939.
Villa des otages (85 Rue Haxo, 20e)
Ancien bal public connu sous le nom de Cité de Vincennes, la
« Villa des Otages » fut le théâtre d’un épisode tragique de la
Semaine sanglante de la Commune de Paris (21-28 mai 1871). Le 26 mai 1871, 50
otages tirés de la prison de la Roquette, pour la plupart des prêtres, des Gardes
de Paris et des gendarmes, y furent conduits et abattus par la foule sans autre
forme de procès. Parmi eux figurait l’abbé Planchat, fondateur du patronage de
Charonne, dont une rue du XXe arrondissement porte aujourd’hui le nom. Eugène
Varlin et les membres du Comité central essayèrent en vain de s’opposer à ce
massacre. Mais rien ne put arrêter la foule, désespérée par les exactions et
les exécutions sommaires des Versaillais, qui reprenaient alors Paris rue par
rue, maison par maison. « Un feu de peloton, quelques coups isolés
d’abord, puis une décharge longue, longue qui n’en finit plus… » (Jules
Vallès, L’Insurgé 1885).
Villa Faucheur (5 Rue des Envierges, 20e)
Villa Faucheur, où il demeurait alors, Emile Henry, jeune
anarchiste adepte de la « propagande par le fait », fabriqua sa
bombe, jetée le 1é février 1894 dans le café Le Terminus de la gare
Saint-Lazare, faisant une vingtaine de blessés. Il fut exécuté le 21 mai
suivant. Son geste s’inscrit dans une longue suite d’attentats anarchistes, inaugurée
en 1892 par Ravachol qui avait fait sauter plusieurs immeubles, et
particulièrement illustrée par Auguste Vaillant qui lança, sans faire de
victimes, le 9 décembre 1893, une bombe dans la Chambre des députés. Cette
série d’attentats - le fait d’une minorité d’exaltés, souvent influencés par
les nihilistes russes – frappa fortement l’opinion publique. Après l’assassinat
du Président Sadi Carnot par Caserio, en juin 1894, les principaux anarchistes
français furent poursuivis dans le Procès des Trente, dont le verdict de
clémence calma les esprits.