DIX-NEUVIEME ARRONDISSEMENT
Bassin
de la Villette (angle Place de la
Bataille de Stalingrad et Quai de la Seine, 19e)
Aboutissement
du canal de l’Ourcq, le bassin de la Villette, creusé de 1806 à 1809, fut
inauguré en grande cérémonie le 2 décembre 1808 pour fêter la première arrivée
d’eau. Long de 800 mètres
et large de 80, ce bassin fournit de l’eau en abondance aux Parisiens grâce à
quatre galeries qui alimentent les fontaines de la capitale. Il servit aussi de
patinoire durant les hivers rigoureux de 1810, 1816, 1820, 1827, et de cadre à
des joutes nautiques l’été. A partir de 1838, un coche d’eau reliait Paris à
Meaux deux fois par jour dans chaque sens. Toutes ces activités ont favorisé la
multiplication des guinguettes le long de ses berges.
Belleville
(139 Rue de Belleville, 19e)
Le
premier habitat connu sur le territoire de Belleville est la ferme des Savies
mentionnée dans un texte de 862. Trois siècles plus tard apparaît le hameau de
Poitronville. Le nom de Belleville date de 1451, et la vie de ce village se
développe autour d’une chapelle édifiée en 1543 à l’emplacement de l’église
actuelle. De 1815 à 1859, cette communauté de 3 000 âmes se métamorphose
en une cité de 70 000 habitants, la treizième ville de France, avant
d’être annexée en 1860 à la capitale. Soucieux d’amoindrir le vote de sa
population ouvrière frondeuse, Haussmann sépare la commune en deux, le long de
sa rue principale, la rue de Belleville : le nord échoit au XIXe
arrondissement, le sud au XXe.
Canal
de l’Ourcq (angle Quai de l’Oise et Place Paul-Delouvrier, 19e)
Dès
1520, la prévôté des marchands de Paris avait pensé à rendre navigables les
cours de l’Ourcq et de la Marne. Après les premiers travaux, entrepris entre
1632 et 1661, Riquet et Manse créent un canal entre Lizy-sur-Ourcq et Meaux, de
1676 à 1683. Jean-Pierre Brulée reprend le projet en 1787, et un décret de
l’Assemblée nationale du 9 novembre 1790 prévoit l’ouverture d’un canal depuis
le confluent de la Marne et de l’Ourcq jusqu’à la Villette. Mais il faut
attendre l’arrêté consulaire du 19 mai 1802 pour le début de la réalisation des
travaux aux frais de la ville de Paris. Inaugurée le 15 août 1813, la
navigation sur le canal de l’Ourcq fait du port de la Villette l’entrepôt des
marchandises affluant du nord et de l’est de la France.
Combat
du Taureau (3 Avenue Mathurin-Moreau, 19e)
Dans
le triangle défini par la rue de Meaux, la rue des Chaufourniers et l’avenue
Mathurin-Moreau , fut installée en 1778 une arène dans laquelle étaient donnés
des combats entre animaux sauvages et domestiques : chiens contre
sangliers, loups, ours et surtout taureaux, d’où le nom de Combat du Taureau.
Evoqué par Jules Janin dans « l’Ane mort », ce spectacle disparut
entre 1845 et 1850. Il avait donné son nom à la barrière de l’enceinte des
Fermiers généraux édifiée en 1786-1787 sur les plans de Ledoux pour contrôler
l’entrée de Paris par la chaussée Saint-Louis (rue de la Grange-aux-Belles).
C’est pourquoi cette barrière était dite indifféremment du Combat du Taureau,
Saint-Louis ou de la Boyauderie.
Cimetière
des Juifs portugais (46 Avenue de Flandre, 19e)
Sous
l’Ancien Régime, les cimetières, réservés aux catholiques, étaient interdits
aux protestants, juifs, comédiens et suicidés. La communauté des juifs
d’origine portugaise avait passé un accord avec le patron de l’auberge à
l’enseigne de l’Etoile, située à l’emplacement du 46 de l’avenue de Flandre, et
enterrait dans son jardin les Israélites de toutes nationalités, morts à Paris.
Le 3 mars 1780, Jacob Rodrigues Pereire, « agent de la nation juive
portugaise à Paris », acheta deux jardins contigus à celui de
l’auberge et obtint du roi l’autorisation d’en faire le cimetière des Juifs
sephardim à condition de pratiquer les inhumations « nuitamment, sans
scandale ni appareil ». Il fut abandonné en 1810, Napoléon ayant permis
l’inhumation des juifs dans tous les cimetières.
Couvent
Sainte-Périne (angle Rue de Flandre et Rue Riquet, 19e)
En
1646, les chanoinesses augustines de
Sainte-Périne ou Sainte-Pétronille quittent leur abbaye de Compiègne pour
s’installer à La Villette, dans une maison achetée par le maréchal de
Bassompierre, père d’une des religieuses. Située au 61-65 de l’avenue de
Flandre, elle possède des jardins qui s’étendent presque jusqu’à la rue de
Tanger. En proie à d’insurmontables problèmes financiers, la communauté
abandonne La Villette en 1743, pour s’établir dans l’abbaye Sainte-Geneviève de
Chaillot, rebaptisée Sainte-Périne. Les bâtiments sont affectés à une usine de
rubans qui disparaît dès 1757, remplacée par une œuvre de charité supprimée à
la Révolution : la Communauté de la Sainte-Famille du Sacré-Cœur de Jésus.
Entrepôts
généraux (11 Quai de Gironde, 19e)
En
1836, l’entrepôt des farines et des céréales destinées aux Parisiens se
limitait au grenier d’abondance de la Bastille et à la Halle aux blés. De
nouvelles installations étaient indispensables à une population en rapide
croissance. La Villette fut choisie à cause de ses canaux, qui permettaient un
acheminement aisé et peu coûteux. Dès 1850, un deuxième magasin s’avéra
nécessaire, et deux autres magasins-docks furent construits en 1858-1859 le
long du quai de la Gironde, pour entreposer farines, fécules, grains, huiles,
alcools et denrées coloniales. Incendiés en mai 1871, aux derniers jours de la
Commune, tous ces bâtiments, rapidement reconstruits, ont servi durant un
siècle, avant d’être supplantés par de nouvelles installations.
Fours-à-Chaux
(111 Avenue Simon Bolivar, 19e)
C’est
au XIIIe siècle que débute l’exploitation à ciel ouvert de la pierre à plâtre –
le gypse – dans les environs du pressoir Saint-Martin et du gibet de
Montfaucon. Elle se développe avec les progrès de la construction, et se
transforme en carrières souterraines aux flancs des collines des
Buttes-Chaumont et de Beauregard (carrières d’Amérique). Dans les excavations,
ou à proximité immédiate, se multiplient les fours à plâtre. Les chaufourniers
surveillent la cuisson du gypse, et tirent des fours des blocs de plâtre que
les « batteurs de plâtre » brisent et réduisent en poussière à coups
de bâton. Le passage des Fours-à-Chaux et la rue des Chaufourniers conservent
le souvenir de ces activités, disparues en 1875 avec la fermeture des Carrières
d’Amérique.
Gibet
et voirie de Montfaucon (face au 53 Rue de Meaux, 19e)
Symbole
de la justice royale, le gibet de Montfaucon se trouvait à l’origine sur une
butte dont le centre correspondait à la place Robert-Desnos. Détruit en 1760,
il fut aussitôt remplacé par un second gibet, 500 mètres plus loin
vers le nord-est, à l’emplacement 46 de la rue de Meaux. Formé de quatre
piliers en grès réunis en carré et entouré d’un fossé, ce gibet disparaît
définitivement en 1792. Depuis 1772, il était flanqué par la voirie de Montfaucon,
dépôt des ordures et vidanges de Paris, et clos d’équarrissage des chevaux.
Autour de cette voirie s’élevaient des fabriques d’engrais à partir des
déchets, des boyauderies pour la charcuterie, des élevages d’asticots pour la
pêche. En 1845, la voirie fut transférée en forêt de Bondy, et le marché de la
Villette (marché Secrétan) construit à sa place en 1868.
Il
faut entendre ici le terme « voirie » dans le sens de lieu où l’on
dépose les ordures, les épaves ramassées sur la voie publique… donc de
décharge.
La
Villette (134 Avenue de Flandre, 19e)
Dans
une charte de 1198 apparaît le nom de la Ville Neuve Saint-Lazare, mentionnée
en 1374 comme La Villette Saint-Lazare. Le siège du bailli de Saint-Lazare,
principal seigneur de La Villette, se trouvait ici, près du carrefour actuel de
l’avenue de Flandre et de la rue de Nantes, non loin de l’église paroissiale.
Carrières à plâtre, blé, vignes, moulins à vent, constituaient la principale
richesse de la communauté en 1789. Si elle comptait moins de 2 000
habitants en 1800, La Villette en dénombrait 30 000 lors de son annexion à
Paris, le 1er janvier 1860. Son port l’a transformée en entrepôt de
matières premières acheminées du nord et de l’est : charbon, fer, bois,
sucre, blé, orge, destinées à être traitées dans ses forges, laminoirs,
sucreries ou brasseries.
Les carrières d’Amérique (30 Rue David d’Angers, 19e)
A la limite de Belleville et de la Villette, la butte de
Beauregard a fait l’objet d’une exploitation intense de pierre à plâtre ou
gypse dans les carrières d’Amérique. Ce nom, attesté dès 1682, n’a rien à voir
avec une invraisemblable exportation de plâtre vers le Nouveau Monde. Avec la
création en 1838 de la Société plâtrière de Paris, entreprise du banquier
Jacques Laffitte, l’extraction prend une extension exceptionnelle. Presque
épuisées, devenues un repaire de clochards et de rôdeurs, les carrières sont
comblées en 1875 et remplacées par deux
éphémères marchés aux chevaux et aux fourrages, de part et d’autre de la
place du Danube, tandis que la zone située entre les rues David-d’Angers et de
la Solidarité devenait vers 1904 un ensemble de jardins ouvriers.
Les
Folies de Belleville (Angle rue de Belleville et Rue Jules Romains, 19e)
Sous
la Restauration, la haute Courtille, c’est-à-dire le début de la rue de
Belleville jusqu’à la rue Rébeval, remplace la basse Courtille de la rue du
Faubourg-du-Temple dans la faveur des Parisiens. C’est ici que les bourgeois
viennent s’encanailler en compagnie des chiffonniers et des voyous des
barrières. UN dandy anglais, Charles de la Battut, « Mylord
l’Arsouille », est le héros de ces fêtes dont l’apogée se situe à l’aube
du mercredi des Cendres avec la descente de la Courtille de Belleville à la
place du Château-d’Eau (de la République). La dernière eut lieu en 1838, mais
la vogue des bals de Belleville se prolongea jusqu’à la guerre de 1870. Les
bals les plus célèbres se tenaient chez Desnoyez au 8 et chez Favié au 13, aux
Folies de Belleville.
Manufacture
de pianos Erard (110 Avenue de Flandre, 19e)
En
1780, les frères Sébastien et Jean-Baptiste Erard, venus de Strasbourg, fondent
une manufacture de pianos à Paris. Après un bref séjour dans l’hôtel de
Villeroi (rue de Varenne), puis rue de Bourbon (rue de Lille), ils s’installent
rue du Mail et deviennent la principale entreprise française de pianos, avec
une trentaine d’ouvriers vers 1800. Ils en emploient 150 en 1827, plus de 300
en 1847, 315 en 1872 lorsqu’ils transfèrent leurs ateliers de fabrication au
110-112 de l’avenue de Flandre, dans des bâtiments spécialement construits à
cet usage, à proximité des chantiers et réserves de bois de La Villette. Cette
usine n’a fermé ses portes qu’au début de la guerre de 1939. La maison Erard a
considérablement amélioré le piano et mis au point la harpe moderne.
Marché
aux bestiaux de la Villette (213 Avenue Jean Jaurès, 19e)
En
1855, le baron Haussmann décide le remplacement des marchés de Poissy, de
Sceaux et de la rue Cochin (Halle aux veaux) par un unique marché aux bestiaux.
Situé à l’est de l’intersection des canaux Saint-Denis et de l’Ourcq, son
terrain couvre une cinquantaine d’hectares, au sud des abattoirs dont le sépare
le canal de l’Ourcq, enjambé par un pont. Un chemin de fer à cinq voies se
raccorde à la ligne de ceinture pour assurer le débarquement du bétail et
l’embarquement des viandes. En 1862, la fontaine aux lions construite par Simon
Richard en 1811 pour la place du Château-d’Eau (actuelle place de la
République) prend place dans la cour d’entrée. Et quatre grandes halles métalliques
conçues par Baltard sont inaugurées le 20 octobre 1867.
Parc
des Buttes-Chaumont (angle Rue Botzaris Avenue Simon Bolivar, 19e)
Désireux
de donner aux Parisiens de vastes espaces verts, Napoléon III décide
d’adjoindre aux bois de Boulogne (ouest) et de Vincennes (est), les parcs
Montsouris (sud) et des Buttes Chaumont (nord). Les travaux commencent en
novembre 1863 sous la direction de l’ingénieur Alphand et du jardinier
Barillet-Deschamps, sur une zone de 27 hectares dévastée par les carrières
d’extraction de gypse, tandis que l’architecte Davioud édifie maisons de
gardiens et chalets-restaurants. L’inauguration du parc, le 1er
avril 1867, coïncide avec cette de l’Exposition universelle. Plus que toute
autre réalisation monumentale du Second Empire, les Buttes Chaumont incarnent
l’âme baroque de cette époque si bien exprimée dans la musique d’Offenbach.
Regard
de la Lanterne (7 Rue Augustin Thierry, 19e)
C’est
sans doute au XIIe siècle que les eaux de Belleville ont été captées à l’usage
du prieuré de Saint-Martin-des-Champs. Un aqueduc de grandes dimensions (1,92 mètres de hauteur
sur 1,18 de largeur) collectait les eaux de nombreuses sources et les
acheminait vers Paris. La canalisation était entretenue grâce à des regards
dont trois subsistent : ceux de la Lanterne, des Messiers (17, rue des
Cascades), de la Roquette (36-38, rue de la Mare). La tête de l’aqueduc se
situait au regard de la Lanterne, édifice important (4,70 mètres de diamètre
et 8,80 de hauteur) à demi-enterré, construit entre 1583 et 1613. On y accède
par un escalier de 20 marches à double rampe.
Rotonde
de La Villette (Place de la Bataille de Stalingrad, 19e)
En
1785, pour empêcher la contrebande et mieux percevoir les droits d’entrée des
marchandises dans Paris, les Fermiers généraux font édifier un mur entourant la
capitale. Des pavillons sont prévus aux barrières pour les bureaux des commis
de l’octroi. Pour avoir conçu et commencé de construire des bâtiments d’un coût
excessif, Ledoux est déchargé de sa tâche dès septembre 1787. La rotonde de La
Villette, dite aussi barrière Saint-Martin ou barrière de Senlis, transformée
en caserne de gendarmerie sous la Restauration, a subsisté, sans les quatre
guérites qui commandaient la Grande Rue de La Villette (avenue de Flandre) et
la route de Meaux (avenue Jean-Jaurès) convergeant vers la rue du Faubourg
Saint-Martin.
Rue
Monjol (angle Rue Burnouf et Rue Monjol, 19e)
Assainie
en 1926, la rue Monjol était la dernière Cour des Miracles de Paris. En voici
une description en 1883 : « Sur les hauteurs, à l’angle de la rue
Monjol, qui indique la nouvelle largeur de cette dernière rue, une des plus
misérables de l’ancienne banlieue. Cette maison appartient à M.Smith, qui tient
un débit de vins et liqueurs rue des Chaufourniers, à deux pas de là. Cela
fait, tout compté, un total de trois maisons pour la rue Fréry… Il y a là des
tableaux inimaginables. La rencontre de la rue Monjol avec la rue Asselin forme
un rond-point de quelques mètres, où des enfants en guenilles vont se chauffer
au soleil, quand il y a un rayon de soleil. Tout autour, des masures
indescriptibles. Un couloir d’un mètre de largeur conduit à la rue Bolivar.
D’un côté de ce couloir, une palissade en bois, de l’autre un tertre en
contre-haut sur lequel on voit deux ou trois indescriptibles cabanes, des
cabanes habitées comme il n’en existe nulle part dans Paris, ni à la cité Doré,
ni au passage Papier. Tour cela navre le cœur » (Extrait d’un article paru
dans « La Ville de Paris », 4 avril 1883).
Salle
de la Marseillaise (61 Avenue de Flandre, 19e)
A
l’élection législative partielle de novembre 1869, les XVIIIe et XIXe
arrondissements de Paris élisent député le plus fougueux des ennemis de
Napoléon III, Henri Rochefort. Après la fermeture de la salle des Folies-Denoyez,
rue de Belleville, lieu de réunion des adversaires de l’Empire, Rochefort loue
les combles de la brasserie du 51 de la rue de Flandre. Il les baptise Salle de
la Marseillaise, du nom du journal qu’il vient de créer. L’inauguration a lieu
le 28 décembre 1869 dans une salle comble, en présence de 3 000 personnes.
Mais Rochefort ne tarde pas à être condamné à six mois de prison pour ses
écrits dans « la Marseillaise », et la police, venue l’arrêter à
l’entrée de la salle, déclenche le 7 novembre 1870 une émeute qui fait 150
morts et blessés.
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